Tribune : Les propositions du Cinov pour la RE 2020

Rédaction
06/12/2019
Modifié le 13/08/2020 à 19:24

Les traits de la future Réglementation environnementale 2020 (RE 2020) se dessinent de plus en plus. Partie prenante dans son élaboration, le Cinov donne son avis. Tribune.

Partie prenante dans l'élaboration de la RE2020, le Cinov donne son avis.
Partie prenante dans l’élaboration de la RE2020, le Cinov donne son avis. [©Image par PublicDomainPictures de Pixabay]

La Fédération des syndicats des métiers de la prestation intellectuelle du conseil, de l’ingénierie et du numérique a participé activement aux travaux d’élaboration de la RE 2020. En contribuant à la plupart des groupes d’expertise, en participant à l’ensemble des groupes de concertation et en co-pilotant le Groupe de concertation “Méthode”. Par ailleurs, le Cinov est membre du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE).

Tout d’abord, nous tenons à rappeler les retours positifs concernant l’application de la RT 2012, notamment sur les points suivants :
– La valorisation de la profession de bureaux d’études, en instaurant un dialogue en amont entre ingénieurs et architectes. Et ce, dans quasiment tous les projets de construction, grâce à l’attestation thermique au permis de construire.
– L’émergence des innovations technologiques et la valorisation de solutions techniques performantes, notamment pour la production d’ECS (Eau chaude sanitaire).
– La véritable avancée avec l’obligation de recours aux énergies renouvelables en maison individuelle.

La préparation de la Réglementation environnementale 2020 est en cours. Et nous souhaitions faire part de notre retour d’expérience et de notre vision quant aux futures exigences et méthode :

1. Simplifier. En effet, les acteurs : entreprises/maîtres d’ouvrage/maîtres d’œuvre se plaignent que le calcul réglementaire est difficilement compréhensible. Il s’agit donc de :

– Eviter les ruptures avec la RT 2012 et avec le label E+C en matière de méthodologie et d’exigences. Choisir des indicateurs en continuité de ceux actuellement utilisés : Bbio/Bilan-Bepos/Eges/Egespce. Nous soutenons l’indicateur Bilan-Bepos, qui a l’avantage de prendre en compte l’ensemble des consommations énergétiques. Il permet d’anticiper les futurs niveaux de labels. A noter qu’il vaut mieux plusieurs exigences claires que d’essayer de les condenser et de créer des biais.
– Limiter les modulations au strict minimum (CE1/CE2, géographie, altitude, surface et éventuellement 1 ou 2 autres liées au carbone).
-> Maintenir les exigences de moyens : La loi Essoc incite à limiter les exigences de moyens. Or, celles existantes en RT 2012 ont un rôle déterminant. Elles permettent d’éliminer des systèmes obsolètes et elles sont beaucoup plus compréhensibles que les exigences de résultats, qui se basent sur une méthode de calcul complexe. Il est important de maintenir un nombre significatif d’exigences de moyens pour éviter des retours en arrière en matière de prescription. Mais aussi, pour éviter de complexifier encore la méthode de calcul en introduisant de nouveaux paramètres d’entrée.
– Adopter une surface réglementaire unique basée sur la Shab en résidentiel (en intégrant des coefficients et/ou des modulations pour prendre en compte les surfaces inférieures à 1,8 m) et sur la surface utile en tertiaire. Nous sommes donc tout à fait favorables aux annonces, qui ont été faites dans ce sens.
– Limiter les exigences d’application à l’échelle du bâtiment et non de la parcelle. Nous soutenons donc les annonces faites dans ce sens, avec un indicateur complémentaire indicatif sur l’aménagement de la parcelle.
– Ne pas hésiter à insérer des exigences progressives, selon un calendrier défini. Notamment pour les exigences liées au carbone. Ce qui permettrait aux acteurs de réaliser des efforts graduels.

2. Corriger les quelques bugs, qui existent dans la méthode de la RT 2012 :

– Adapter les algorithmes pour éviter une survalorisation des chaufferies collectives. Avec des schémas hydrauliques, qui ne permettent pas de condenser. Insérer des systèmes courants, comme des centrales de traitement d’air à débit d’air variable équipées d’un récupérateur de chaleur.
– Recaler les exigences de Bbiomax pour les bâtiments de petites surfaces, qui ont aujourd’hui des difficultés pour respecter les seuils réglementaires.
– Permettre aux crèches et aux résidences pour personnes âgées de mettre en place un système de refroidissement, quand cela est nécessaire.

3. Embarquer de nombreux secteurs d’activité, qui ne sont pas soumis aux exigences de la RT 2012, alors qu’ils ont des consommations énergétiques non négligeables :

– Pour les usages courants (médiathèque, salles polyvalentes…) : les intégrer à part entière dans le RE 2020, via les exigences de résultats.
– Pour les usages atypiques, pour lesquels il n’est pas possible de disposer d’un panel suffisamment large. Les soumettre à des obligations de moyens pour l’enveloppe et les systèmes énergétiques, et à un calcul carbone à titre indicatif.
– Inciter à optimiser la performance énergétique des autres usages non pris en compte actuellement dans la RT 2012 (ascenseurs, éclairage & ventilation des parkings, espaces de séchage du linge, appareils de lavage utilisant le réseau ECS ENR…).

4. Concevoir avec sobriété énergétique les niveaux d’isolation constatés avec la RT 2012 sont souvent moins bons que ceux, qui étaient pratiqués en RT 2005 :

– Renforcer le coefficient Bbiomax, lorsque cela est possible (notamment les grands immeubles collectifs…).

5. Concevoir avec sobriété carbone.

– Maintenir une exigence de résultats sur les produits de construction et les équipements (type Egespce). Ce point est fondamental pour inciter à une meilleure éco-conception des bâtiments et inciter les industriels à élaborer des Fdes et des PEP.
– Veiller à l’exhaustivité des valeurs par défaut pour que tous les composants puissent être pris en compte.
– Réaliser des sous-lots forfaitaires pour les lots techniques, afin de pouvoir faire des calculs détaillés de ces lots, lorsque des industriels fournissent des PEP.
– Veiller à ce que les valeurs forfaitaires soient plus pénalisantes que les valeurs par défaut détaillées, qui doivent elles-mêmes être plus pénalisantes que les valeurs issues des Fdes/PEP collectives et individuelles.
– Informer sur le stockage de carbone biogénique, via un indicateur.

6. Promouvoir les énergies renouvelables.

– Communiquer sur l’importance de réaliser une étude de faisabilité sur les approvisionnements en énergie détaillée pour définir le système énergétique le plus adapté au bâtiment ou à la ZAC. Insérer les systèmes innovants dans cette étude et rédiger un guide illustrant son intérêt.
– Inciter prioritairement les installations de chaleur renouvelable plutôt que des panneaux photovoltaïques, dont la disponibilité en données environnementales et les conditions d’efficacité de mise en œuvre mettent en doute la performance en cycle de vie pour le critère carbone. Il faut insérer une exigence de type “RCR” : ration de chaleur renouvelable.
– Valoriser le photovoltaïque dans la future RE 2020. Cela doit se faire selon une carte fournie par Enedis. Elle dépend de la localisation géographique du bâtiment et des besoins à proximité, plutôt que via un calcul d’auto-consommation.

7. Sans qu’elles n’induisent des biais.

– Ne surtout pas maintenir un coefficient de conversion en énergie primaire à 0 pour le bois, mais plutôt à 0,6. Il faut rappeler suite aux nombreuses incitations financières, fiscales, que la France est aujourd’hui obligée d’importer du bois pour couvrir l’ensemble des besoins. Même si la biomasse est incontestablement une énergie renouvelable et qu’elle contribue à l’indépendance énergétique française. Un coefficient trop favorable n’incite pas à la mise en place d’une enveloppe performante ou au couplage avec d’autres énergies renouvelables, type solaire thermique. Et donc n’incite pas à utiliser cette ressource avec parcimonie.

Concernant les coefficients d’énergie primaire des autres énergies, cet arbitrage éminemment politique doit se faire sur des arguments actuels fiables et argumentés. Et non sur des scénarii prospectifs, qui pourraient ne pas être respectés.

8. S’adapter au réchauffement et au changement climatiques.

– Remplacer l’exigence Tic actuelle par une qui illustre mieux l’inconfort estival type “Degré-Heures”. Nous sommes favorables à l’annonce, qui a été faite en ce sens.
– Prévoir une disposition pour prendre en compte les autres risques climatiques, en s’appuyant par exemple sur un Diagnostic de performance résilience (DPR) proposé par la Mission des risques naturels.

9. Fiabiliser les calculs.

– Pour que les résultats obtenus dans le cadre de cette démarche soient fiables, nous demandons à ce qu’il soit exigé que les études réalisées le soient. Et ce, par un bureau d’études certifié NF Etudes thermiques ou qualifié OPQIBI 13.31 ou 13.32 pour les études thermique, et OPQIBI 13.33 pour les études ACV.
– Renforcer les contrôles de cohérence et la qualité des données de Fdes et de PEP.

10. Fiabiliser la mise en œuvre.

– Maintenir l’exigence de résultat pour la perméabilité à l’air de l’enveloppe et l’étendre aux petits tertiaires.
– Rendre obligatoire la réalisation de mesure d’étanchéité des réseaux aérauliques à la réception des installations (sauf maisons).
– Obliger la réalisation d’une mission de commissionnement pour les installations techniques complexes.

11. S’assurer de l’application de la RE 2020.

– Maintenir et compléter avec le carbone les attestations “Permis de construire” et “Fin de chantier”, qui sont impératives pour garantir l’application de la réglementation.
– Veiller à un délai d’application au plus tôt de 6 mois, après la parution des textes pour que la profession ait le temps de se former et que les projets puissent la respecter.

12. Intégrer la biodiversité. La RE 2020 pourrait intégrer des principes d’actions imposant la présence d’un écologue dans l’équipe projet, tout au long du déroulement du projet. En particulier sur les étapes suivantes dans le cadre de la séquence “Eviter – Réduire – Compenser” (ERC). Ceci en vue de la protection et du développement de la biodiversité sur le projet :

– Diagnostic écologique du site ;
– Diagnostic écologique du projet ;
– Recommandations, avec éventuellement missions complémentaires de génie écologique ;
– Suivi de la mise en œuvre.

13. Prendre en compte les cas particuliers. Les évolutions réglementaires incitent les industriels à développer de nouvelles technologies. Et les collectivités à mettre en œuvre des réseaux de chaleur vertueux. Il est important de pouvoir prendre en compte ces installations :

– Maintenir les commissions Titre 5, qui ont un fonctionnement indépendant et regroupent des experts qualifiés.

14. S’appuyer sur des labels complémentaires. L’ensemble des acteurs a besoin de disposer d’une vision, qui va au-delà de la RE 2020 et qui sera prochainement exigée par les collectivités, aménageurs :

– Annoncer, dès à présent, la parution de labels complémentaires pour aller au-delà de la future RE 2020, d’où l’intérêt de l’indicateur Bilan-Bepos.
– Caler ces labels de manière cohérente en même temps que les exigences réglementaires.

Nos propositions sont soutenues par l’Association des ingénieurs et techniciens en climatique, ventilation et froid (AICVF) et l’Association ICO – Ingénierie du Confort Objectif 2050.