Contournement de Couvin : Le béton a la frite sur les routes belges

Rédaction
09/02/2018
Modifié le 24/05/2023 à 09:33

En Belgique, la route en béton a plutôt le vent en poupe. A l’occasion de la création du contournement de Couvin, la Fédération de l’industrie cimentière belge et les ingénieurs du Service public wallon ont réalisé une route en béton armé continu bi-couches dotée d’une nouvelle technique : l’amorce de fissurations.

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Le contournement de la commune de Couvin constitue 14 km de route, qui relient le Nord de la France et remontent vers Charleroi. [©ACPresse]
Le contournement de la commune de Couvin constitue 14 km de route, qui relient le Nord de la France et remontent vers Charleroi. [©ACPresse]

Collée au parc naturel des Ardennes et à la frontière française, la commune de Couvin, en Belgique, subissait le passage de près de 17 000 véhicules par jour, dont 20 % de poids lourds. Pour contenir ce défilé, le Service public wallon (SPW) a décidé de créer une nouvelle liaison Nord/Sud en Europe. Un contournement de 14 km, qui relie le Nord de la France et remonte vers Charleroi. Pour réaliser cette route, la Febelcem (Fédération de l’industrie cimentière belge). L’équivalent du Sfic1et de Cimbéton2en France. A préconisé un béton armé continu (Bac) bi-couches, avec un système d’amorce de fissurations. « Parce le Belge a une brique dans le ventre, mais aussi du béton », s’exclame André Jasienski, directeur de la Febelcem.

En effet, non seulement les habitants du Plat Pays consomment près de 550 kg/an de ciment. Quand la moyenne à l’échelle internationale est aujourd’hui de 370 kg/an. Mais la Belgique a le goût de la route en béton. « Elle a souvent été décriée pour son inconfort. Soit à cause de la présence des joints ou parce qu’elle est plus bruyante que les revêtements en asphalte. Depuis le moment où nous avons construit les premières routes en béton, 40 ans se sont écoulés et d’énormes progrès ont été faits». Aujourd’hui, le confort de roulement a été amélioré. La rugosité reste pérenne. Et si la route a bien été mise en œuvre, elle dispose d’une durée de vie de 40 ans sans entretien, selon la Febelcem. 

Le Bac en bi-couches se coule frais sur frais en une seule passe. Un film plastique est ensuite déroulé pour protéger le béton.  [©ACPresse]
Le Bac en bi-couches se coule frais sur frais en une seule passe. Un film plastique est ensuite déroulé pour protéger le béton. [©ACPresse]

La réalisation du contournement de Couvin se fait en trois phases. « La phase trois est la plus courte et consiste à créer une trémie sous une voie ferrée. Qui traverse la future autoroute, détaille Delphine Cauchie, chef de projet rattachée au SPW. Le chantier a débuté en 2016 et devrait s’achever mi-2020. La première étape a, elle, permis de désengorger la ville au plus vite. Elle a été inaugurée il y a un peu plus d’un an. Enfin, la phase deux représente plus de 8 km d’autoroute. Elle va rejoindre la phase une à la frontière française. »

L’inconfort des routes en béton : une histoire ancienne

Au total, 36 ouvrages d’art sont prévus. 5 Mm2ont été terrassés et 300 000 m3de Bac en bi-couches vont être mis en œuvre. « Nous ne sommes pas peu fiers. Mais en Belgique, nous sommes les pionniers dans cette technique, qui a presque 70 ans », explique Nathalie Balfroid, ingénieur-conseil infrastructure à la Febelcem. Son principe ? Ici, les armatures longitudinales, dont le taux d’acier est de 0,76 %, n’ont pas un rôle structurel. Elles servent à reprendre le retrait du béton à jeune âge. « Elles font en sorte que l’ouverture des fissures soit minimale avec une répartition plus homogène». A noter que les joints transversaux sont inexistants dans cette technique. Sur la troisième phase, l’entreprise TRBA s’occupe de la mise en œuvre du béton sur les 8 km.

La technique du Bac ne contient que des armatures longitudinales. [©ACPresse]
La technique du Bac ne contient que des armatures longitudinales. [©ACPresse]

Une sous-fondation composée d’un empierrement de 30 cm, 20 cm de béton maigre et une couche sandwich d’asphalte précèdent le Bac. « Cette couche intermédiaire en enrobé bitumeux est prescrite d’office, précise Nathalie Balfroid. D’une part, elle limite l’infiltration d’eau et empêche l’érosion de la couche de fondation. Et d’autre part, elle augmente son adhérence au béton. L’asphalte constitue aussi une bonne base de travail. Elle est plane et pratique pour la pose des armatures et du matériau». De plus, des culées d’ancrage composées de 6 voiles en béton sont disposées à chaque extrémité du revêtement. Elles permettent de maîtriser les mouvements du béton sur toute sa longueur. A savoir, les dilatations et les retraits dus aux températures journalières et saisonnières. Le Bac en bi-couches – 6 cm en couche supérieure, 17 cm en couche inférieure – y est coulé frais sur frais.

Savoir maîtriser les fissures

 « Le transport et l’approvisionnement sur le chantier sont très importants dans le processus de bétonnage, indique Filip Covemaeker, directeur technique de TRBA. Nous avons pour cela installé une centrale mobile d’une capacité d’environ 160 m3/h, à une dizaine de km ». Environ 1 200 m2/jour (12 h) sont bétonnés sur une largeur de 10,50 m. « Pour la couche inférieure, nous disposons d’une Wirtgen SB1500 et d’une Wirtgen SB850 pour la partie supérieure. Une Brion de 40 t nous permet de réaliser les bretelles en monocouche. »

L’entreprise TRBA s’est occupée de la mise en œuvre du Bac.  [©ACPresse]
L’entreprise TRBA s’est occupée de la mise en œuvre du Bac. [©ACPresse]

La composition du béton diffère entre les deux couches. « Pour la partie supérieure nous avons au moins 425 kg/m2de ciment fourni par HeidelbergCement. Le béton bénéficie d’un facteur E/C de 0,42 et d’une résistance de 27 MPa à 7 j et de 40 MPa à 40 j. Nous avons opté pour deux types de sables naturels, 0/2 et 0/4, pour une meilleure ouvrabilité du béton pour les machines. La couche inférieure dispose de moins de ciment, 375 kg/m2». Le béton utilisé pour ces deux parties est formulé sur la base d’un CEM III A 42,5 N LA. 

La technique du Bac avec la présence d’armatures doit permettre de contenir les remontées de fissures. Afin de renforcer le contrôle de ces dernières, des amorces ont été réalisées dans les 24 à 36 h – selon les températures – tout le long du revêtement. « Le principe consiste à créer un trait de scie. Qui va permettre de mieux maîtriser la fissuration avec une trame beaucoup plus régulière, complète Nathalie Balfroid. Nous avons constaté qu’avec une dimension de 40 cm de long, 4 cm de profondeur et un entraxe de 1,20 m, le développement de fissures est plus rapide, plus droit et plus régulier. Nous réduisons ainsi le risque de fissures groupées». Cette technique a été introduite en Belgique par Luc Rens, président de l’Eupave, l’association de promotion des solutions de ciment et de béton pour les infrastructures de transport et les thématiques connexes. 

Des amorces de fissurations ont été réalisées tout le long du revêtement. [©ACPresse]
Des amorces de fissurations ont été réalisées tout le long du revêtement. [©ACPresse]

Sivagami Casimir

1Le syndicat français de l’industrie cimentière (Sfic) regroupe les fabricants de liants hydrauliques (ciments, chaux hydrauliques, liants routiers et liants géotechniques).

2Le Cimbéton est un centre d’information sur le ciment et ses applications béton.

Repère

Maître d'ouvrage/d’œuvre : Service public wallon
Entreprise : TRBA
Coût : 130 M€

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