La construction biosourcée : Le Forum qui veut bâtir un avenir

Rédaction
10/06/2021
Modifié le 21/09/2021 à 14:53

Pour sa 10e édition, le Forum International Bois Construction prend exceptionnellement ses quartiers à Paris, au Grand Palais Ephémère (GPE) sur le Champ-de-Mars.

Le Grand Palais Ephémère est une réussite architecturale (architecte : Jean-Michel Wilmotte). [©JT]
Le Grand Palais Ephémère est une réussite architecturale (architecte : Jean-Michel Wilmotte). [©JT]

Pour sa 10e édition, le Forum International Bois Construction prend exceptionnellement ses quartiers à Paris, au Grand Palais Ephémère (GPE) sur le Champ-de-Mars. Par le hasard de la pandémie, ce n’est pas le Grand Palais initialement prévu, puis interdit en avril 2020 et fermé pour travaux de rénovation. La conférence du 1er juin dernier était aussi la première opportunité pour que l’architecte Jean-Michel Willmotte présente son ouvrage terminé.

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Depuis que le Forum Bois Construction s’est installé en 2015 pour les années impaires au Centre Prouvé de Nancy, les organisateurs goûtent le confort d’un Palais moderne et pratique qu’ils exploitent complètement. Mais l’ouvrage est une réinterprétation d’un centre de tri très minéral, agrémenté de grandes baies. C’est pourquoi, dès la 1re édition nancéienne, un totem a été installé sur le parvis pendant la durée du congrès. Depuis, les architectes ou élèves en architecture rivalisent de projets pour bâtir le totem annuel du Forum. Depuis deux ans, le maître d’œuvre est la Fabrique collective animée par Fabienne Bulle et Alexandre Schrepfer.

Le GPE grand Totem

Le dialogue avec la tour Eiffel est saisissant. [©JT]

Le dialogue avec la tour Eiffel est saisissant. [©JT]

Cette année, tout est un peu différent, le totem, c’est un peu le GPE. Quant à installer un autre totem à l’extérieur, sur le Champ-de-Mars, il ne faut pas trop y compter. Pour une fois, le Forum a lieu dans son propre élément, le bois. Raison de plus pour imaginer un auditorium éphémère en bois, des stands en bois, des tables de récupération à base de bois… Le tout pour montrer, y compris au grand public parisien, le grand monde du bois sous toutes ses coutures. Too much ? Les designers diront oui. De fait, l’édition du 15 au 17 juillet 2021 réapplique ce que celle d’avril 2020 était bien obligée de faire dans un environnement comme la grande voûte métallique du Grand Palais. Dans la foulée s’est dégagé un concept, “Réservez un futur”, visant à décarboner l’évènementiel par le bois. Le Forum fait la morale à ce Grand Paris qui est le premier acteur mondial dans ce domaine.

Architecture internationale

L’évènementiel ne figure pas dans les statistiques publiques sur les émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, autour de Paris, son poids carbone est lourd. Prenons ce GPE qui renoue avec les bâtiments éphémères du Champ-de-Mars de l’époque des Expositions universelles. Jean-Michel Wilmotte insiste pour le considérer comme un véritable bâtiment. Le pavillon France de l’Expo de Milan, qui croupit depuis dans un hangar, n’est qu’une pacotille à côté. L’architecte et GL Events ont bien compris qu’il ne suffit pas de construire l’ouvrage en bois, mais d’assurer sa remontabilité. Et comme il est difficile de concevoir une réutilisation en bloc, la modularité s’est imposée. Reste cependant à la vérifier sur le terrain. Franck Mathis (gérant de l’entreprise Mathis en charge du chantier) est bien content que le GPE reste d’abord en place pour quelques années. Déboulonner après le fluage de la charpente, cela peut se révéler difficile. Pour monter les fermes ou portiques, l’entreprise Mathis a adopté la méthode connue de rigidifier le bois par du métal, qui est par la suite enlevé.

Le carbone change la donne

La réutilisation du GPE n’est pas seulement une question commerciale pour GL Events, c’est surtout une question de carbone. Il est inconcevable de mobiliser toute la matière du GPE pour 4 ans. De même que le basculement de la construction traditionnelle vers la biosourcée vient aussi du constat que nous détruisons allègrement et de plus en plus souvent des ouvrages maçonnés qui ont 30 ans. Face à la construction courante, l’éphémère durable ne peut se justifier que par le réemploi, tel que l’affirme le GPE. Mais dans la perspective d’une construction neutre en carbone, même la construction biosourcée doit se préparer à ce que le bâti change tous les 30 ans. Et donc inventer une réutilisation des éléments qui n’est pas encore de mise.

Le bâtiment n’a encore guère intégré l’économie carbone, même sur le plan de l’approche intellectuelle de la construction. La grande affaire, en ce moment, c’est de valoriser correctement la phase construction et donc l’énergie grise. Au point de négliger l’approche passive, pourtant essentielle pour préparer les sécheresses, et les dérèglements de toutes sortes. La grande erreur française a été, après la RT 2012, de se passer de l’étape passive avant l’étape de l’énergie positive. Puis, de supprimer l’étape de l’énergie positive. Au lieu de cela, il y a cette RE 2020, dont on espère que le cadre définitif sera fixé fin juin 2021. Il peut encore se passer beaucoup de choses. Une bataille juridique française, sachant que les représentants les plus importants de la filière BTP ont signé ensemble en début d’année un communiqué défavorable à la RE 2020. En conséquence, malgré le décalage du Forum de plus d’un an, la programmation centrée sur le carbone, n’a pas été altérée au profit d’une RE 2020. Une réglementation, dont on verra au mieux les contours pratiques en avril 2022, lors de la 11e édition du Forum à Nancy.

Un programme anticipateur

Les ateliers seront concentrés sur l’Auditorium Ephémère et sur les deux plateaux de l’aile Eiffel et leur magnifique vue sur le Champ-de-Mars. [©JT]

Les ateliers seront concentrés sur l’Auditorium Ephémère et sur les deux plateaux de l’aile Eiffel et leur magnifique vue sur le Champ-de-Mars. [©JT]

Le programme lui-même est à l’image de cette attention portée à l’environnement. L’an dernier, il avait été placé sous le thème : “La construction bois face au choc climatique”. Cette interrogation se poursuit, cette année, dans le cadre de la session inaugurale 2 du 15 juillet (La construction bois hier et demain). Il faut malheureusement compter désormais sur une accélération du changement climatique, qui replace le confort d’usage au centre des préoccupations. Comment supporter des canicules longues et intenses sans climatisation ? Sachant que le recours à des procédés courants de climatisation aggrave l’effet de serre. Et augmente encore la température urbaine… Jusqu’à présent, on considérait que la construction bois était en quelque sorte le mauvais élève à cause de son manque d’inertie. Ainsi, dès que la température monte, un ouvrage en bois ne dispose guère de réserves de masse pour stocker la chaleur excédentaire. C’est ce qui justifie ou impose, dans les calculs dynamiques, l’apport fréquent de maçonneries dans les ouvrages. Quand cela ne sert pas plutôt d’argument commode pour dénaturer l’approche spécifique de la construction bois. A présent, les simulations dynamiques qui sont exigées, entre autres, pour des ouvrages de la Ville de Paris se calent aussi sur la situation prévisible en 2050. Notamment avec des pics de chaleur de 50 à 55 °C et des périodes de canicule récurrentes et prolongées, couplées avec de graves problèmes de pollution atmosphérique. Dans ce cas de figure, les maçonneries agissent vite comme un four. C’est pourquoi les spécialistes français de la gestion du confort d’été, EnvirobatBDM, préconisent une inertie moyenne. Mais aussi, toute une série de prescriptions complémentaires visant à soulager des utilisateurs. Des propriétaires qui, aujourd’hui, s’endettent sur des décennies pour acquérir des logements répondant à la RT 2102. Alors que, si l’on s’en tient aux déclarations de Sébastien Maire, délégué général à la transition écologique et à la résilience à la Ville de Paris, ces mêmes logements seront devenus inhabitables en 2050. Notamment, à cause de leur belle exposition plein Sud.

L’avance technologique de l’approche passive

L’enjeu technologique de la construction actuelle est donc de concilier le recours massif à des matériaux biosourcés renouvelables stockant du CO2 et un confort, ou du moins une possibilité d’usage dans un avenir proche. La construction bois dispose cependant d’un certain nombre d’atouts. Comme le développement de ventilation double flux filtrante, sur laquelle il est possible de greffer des systèmes de températion filtrants à base de produits non nocifs en matière d’effet de serre. En combinant la sur-isolation passive et la ventilation, on peut se protéger en partie de la pollution. Certes, l’approche allemande du PassivHaus a été développée en premier lieu pour résoudre la question de l’isolation thermique face au froid. Mais l’institut de Darmstadt s’est doté d’outils qui lui permettent à présent de mieux appréhender la question du confort d’été.

Le carbone de captation

A l’occasion du 10e Forum, l’équipe a déployé un concept pour décarboner l’événementiel avec le bois : auditorium, stands, tables, mais aussi calcul d’ACV. Ou encore, la replantation d’une parcelle sur la commune de Belleau, au Nord de Nancy. Et ce, à un endroit où les congressistes de 2022 et plus tard pourront voir pousser les plants. Selon les calculs de Plantons pour l’avenir, un arbre moyen capte 30 kg/an de carbone, il faut six plants pour un arbre adulte. Compter 5 kg de carbone par plant est sans doute exagéré la première année, mais cela demande à être mesuré. Sur le papier, une parcelle plantée adulte capte autant qu’une parcelle replantée. La parcelle de Belleau, détruite par le scolyte, petits insectes xylophages, devait bénéficier des aides de France Relance, pour une somme qui correspond à peu près à celle que le Forum va demander instamment à ses participants. Soit 5 € pour un seul plant. Il en ressort que le prix de la captation de carbone est de 1 000 €/t, soit 25 fois plus cher que le prix marché de la tonne émise dans le cadre du droit à polluer. Le Forum veut profiter de cette occasion pour faire comprendre que, si une entreprise a le choix entre émettre au prix de 40 €/t/an, et replanter au prix de 1 000 €/t une fois, la bascule économique se fait après 25 ans. Même si on réduit la révolution à 40 ans, la démarche de plantation est en tout cas bien plus favorable dans la perspective d’une neutralité carbone.

Cette opération “Réservez un futur”, menée avec la Coopérative Forêt & Bois de l’Est (UCFF) et Plantons pour l’avenir, montre aussi comment des formules peuvent se mettre en place. Et ce, pour alimenter la replantation de forêts françaises par petites sommes privées : “je participe à un Forum qui émet, j’achète un arbre pour 5 euros”. Cela ne compense pas le carbone émis par le participant. Si l’on calcule à partir du prix du carbone capté, 5 € représente 25 km de mobilité moyenne française. Mais cela permet de mettre en place un réflexe. Qui parle de consommer le bois pour bâtir peut se fendre d’un petit plant. Sur ce modèle, demain, le Grand Paris, lieu mondial ,n°1 de l’évènementiel peut servir à reboiser la France et préparer l’étape de la neutralité carbone 2050. En commençant par les Jeux olympiques et paralympiques 2024 qui seront loin d’être neutres en carbone.

La place de l’isolation

Nicole Valkyser, organisatrice du Forum International Bois Construction, accueille une trentaine de journalistes lors d’une conférence de presse diffusée à plus de 5 000 participants. [©JT]

Nicole Valkyser, organisatrice du Forum International Bois Construction, accueille une trentaine de journalistes lors d’une conférence de presse diffusée à plus de 5 000 participants. [©JT]

Lors de la conférence de presse, en tournant le dos à la tour Eiffel, il était possible de voir toutes les couches de laine minérale déposées dans les combles pour garantir un isolement acoustique parfait vis-à-vis des mitoyens. Sans doute, cette sur-isolation empêchera aussi qu’en juillet, le GPE, de très faible inertie, devienne un four non climatisé.
Parmi les partenaires “premium” de la 10e édition du Forum, Pro Clima, Isocell, Steico et Pavatex figurent parmi les sponsors principaux. Gutex expose, Isofloc également. Isover, Knauf Insulation, Rockwool… Les laines minérales ont répondu présentes, ce qui semble somme toute logique après l’issue très centrée sur les laines minérales de la refonte du “DTU 31.2 – Construction de maisons et bâtiments à ossature bois”. Pfleiderer, Delta, Salola, Sto figurent aussi dans la zone de l’exposition consacrée à l’isolation. Gefinex Jackon s’est finalement désisté. Le Réseau Français de la construction paille et Gramitherm complètent encore imparfaitement le domaine des isolants biosourcés. Décidément difficile à associer au monde du bois, malgré la présence de Karibati. Le chanvre manque, ainsi que les textiles recyclés. Minco, Green Window et Velux représentent l’isolation des baies. Siniat défend, avec le partenaire “premium” Fermacell, les solutions de protection contre l’incendie.

Jonas Tophoven