Les atouts du béton face aux îlots de chaleur

Yann Butillon
10/07/2023

Les stratégies d’adaptation des villes au changement climatique ont mis de plus en plus en avant la lutte contre les îlots de chaleur urbains. Pour cela, une grande palette de solutions existe, dont l’utilisation de bétons aux qualités de réflexion de la lumière et de drainabilité.

Article paru dans le n°107 de Béton[s] Le Magazine

Pour lutter contre les Iôts de Chaleur Urbains, l’aménagement urbain doit être repensé.
[©Heidelberg Materials]
Pour lutter contre les îlots de chaleur urbains, l’aménagement urbain doit être repensé. [©Heidelberg Materials]

1 – Qu’est-ce qu’un îlot de chaleur urbain ?

Un Ilot de chaleur urbain (ICU) est un phénomène local d’élévation de température en milieu urbain. Ceci, par rapport aux zones rurales voisines, surtout en période nocturne. Il est généré par l’effet combiné des surfaces sombres qui absorbent la chaleur en journée et les activités humaines qui génèrent des polluants et/ou de la chaleur supplémentaire (véhicules à moteur, systèmes de climatisation des immeubles…).

Grâce à des couleurs claires, la température est moins emmagasinée. [©Heidelberg Materials]
Grâce à des couleurs claires, la température est moins emmagasinée. [©Heidelberg Materials]

En milieu urbain, les conséquences se font vite ressentir par temps de canicule. La formation des ICU crée des micro-climats artificiels qui empêchent le rafraîchissement de l’air et aggravent ainsi les effets ressentis par le corps humain – en particulier la nuit, période critique où l’organisme est censé récupérer. Les répercussions sanitaires potentielles des ICU sont aujourd’hui prises de plus en plus au sérieux. En effet, les micro-climats générés peuvent augmenter la pollution de l’air et affecter la biodiversité en milieu urbain, en repoussant certaines espèces et en attirant d’autres, plus thermophiles.

2 – Comment peut-on faire baisser la chaleur en ville ?

C’est une problématique transversale qu’il convient de traiter de manière intégrée dans l’aménagement de la ville. Une large palette de solutions est disponible :

• Utilisation des matériaux capables de créer des surfaces à fort pouvoir réfléchissant et des voies de circulation perméables.

• Augmentation de la présence de l’eau.

• Végétalisation des voiries, des murs et des toitures.

• Généralisation de la mobilité douce.

• Adaptation de la morphologie urbaine pour optimiser l’organisation spatiale et la circulation de l’air entre les bâtiments (orientation vis-à-vis des vents dominants).

Aucun remède miracle ne résoudra tout d’un coup. Mais ces différentes solutions travaillent en synergie. Tout se joue dès la conception, lors de différents niveaux de projet. L’idéal étant de tout revoir à l’échelle d’un quartier. Souvent, une réflexion et une lutte contre les ICU sont mises en place au moment de la création de lignes de tramways ou de la rénovation des grands axes d’une ville.

Lire aussi : Aménagement public et urbain : Le béton comme réponse aux enjeux de la ville durable

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3 – Comment le béton tire-t-il son épingle du jeu ?

L’utilisation de bétons drainants permet de gérer les eaux pluviales, mais aussi de faire baisser le mercure, par évapo-transpiration. [©Heidelberg Materials]
L’utilisation de bétons drainants permet de gérer les eaux pluviales, mais aussi de faire baisser le mercure, par évapo-transpiration. [©Heidelberg Materials]

Le béton a longtemps été regardé comme un matériau imperméabilisant. De ce fait, son utilisation en tant qu’allié dans la lutte contre des ICU est encore à ce jour minime. Pourtant, l’emploi des bétons à fort pouvoir réfléchissant permet de diminuer la quantité de chaleur absorbée par les surfaces (sols, voies de circulation, éventuellement murs). Quant à l’usage des bétons drainants, il contribue à rétablir le cycle naturel de l’eau en ville. Par ailleurs, le béton ne flue pas quand il fait chaud (contrairement aux matériaux à base de liant hydrocarboné).

4 – Faut-il un type de bétons spécifique ?

Le béton s’appuie sur deux spécificités : son pouvoir réfléchissant et ses qualités drainantes. En simplifiant, le pouvoir réfléchissant est caractérisé par l’effet albédo. Ce paramètre sans dimension indique que la valeur zéro est le plus mauvais résultat, comme l’enrobé. Et la valeur 1, le meilleur, comme la neige. Bien entendu, plus la valeur est forte, moins la chaleur retenue par la surface sera importante. Les bétons peuvent être rendus clairs par le choix du ciment ou des granulats, sans sacrifier la performance technique. Il existe aussi une étendue très large de traitements de surface permettant d’augmenter le pouvoir réfléchissant et d’animer esthétiquement les espaces.

Grâce à différents effets de finition, la lutte contre Ies ICU accompagne la réflexion dans les espaces publics. [©Heidelberg Materials]
Grâce à différents effets de finition, la lutte contre Ies ICU accompagne la réflexion dans les espaces publics. [©Heidelberg Materials]

Le béton drainant est, quant à lui, un matériau à porosité ouverte qui permet une gestion des eaux pluviales en milieu urbain, en gardant ainsi des surfaces perméables en ville. Ce type de bétons sera donc très bien adapté aux voies piétonnes, aux cours d’école et aux pistes cyclables. Ces bétons facilitent le phénomène d’évapo-transpiration pour permettre le rafraîchissement de l’air. Par exemple, la Mairie de Paris a lancé le projet Oasis qui consiste à traiter les cours de récréation avec des bétons drainants.

Bien entendu, il est possible de cumuler teinte claire et perméabilité, tout en y ajoutant des qualités esthétiques.

5 – Faut-il une mise en œuvre spécifique  ?

Tout béton décoratif nécessite des outils adaptés et des équipes formées. La qualité de la mise en œuvre est primordiale pour la fonctionnalité, l’esthétique et la durabilité. Cependant, les outils et méthodologies restent dans le domaine courant des professionnels du métier. Souvent issus de la filière du béton décoratif, les applicateurs sont formés par les fournisseurs de bétons, notamment drainants, d’outils et de produits de finition.

Il est tout aussi important d’informer les prescripteurs qui connaissent encore mal les solutions existantes. Et leur efficacité.

6 – Pour que le système soit efficace, le béton doit-il être associé à d’autres systèmes ?

En associant composition des bétons, couleur des matières, mais aussi végétalisation et gestion des ombres, les ICU disparaissent. [©Heidelberg Materials]
En associant composition des bétons, couleur des matières, mais aussi végétalisation et gestion des ombres, les ICU disparaissent. [©Heidelberg Materials]

L’association à d’autres systèmes n’est pas obligatoire en soi : des mesures ont montré l’efficacité du choix de bétons clairs sur la réduction des températures des surfaces, sans nécessiter d’association à d’autres systèmes.

Des synergies avec la végétation et/ou la gestion de l’eau sont cependant recommandées, voire incontournables. La végétalisation des toitures, des murs et des espaces au sol est un élément clef pour redonner à la nature sa place dans la ville. Et conjuguer la présence d’arbres au cœur de la ville avec l’utilisation des bétons drainants permet au cycle naturel de l’eau de se remettre en place. La conception des zones urbaines devient donc une étape essentielle pour la gestion d’ombrages.

7 – La conception doit-elle être adaptée à la lutte contre la chaleur ?

Les bétons utilisés pour lutter contre les ICU nécessitent un savoir-faire enseigné par les producteurs de matériaux. [©Heidelberg Materials]
Les bétons utilisés pour lutter contre les ICU nécessitent un savoir-faire enseigné par les producteurs de matériaux. [©Heidelberg Materials]

Tout se joue dès la conception. Les espaces urbains doivent être repensés, en capitalisant sur l’expérience du passé et en y intégrant des solutions modernes. C’est pourquoi il est important d’informer les concepteurs sur les différentes possibilités offertes par les bétons d’aujourd’hui. Et de demain. Il est donc nécessaire d’augmenter les échanges entre les acteurs de la filière béton et les demandeurs, concepteurs pour exposer les possibilités. Mais aussi recueillir les besoins et continuer d’améliorer les solutions proposées. Il faut aussi lutter contre les a priori, en associant les végétaux, l’eau et le béton.

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Article paru dans le n°107 de Béton[s] Le Magazine

Sujet réalisé en collaboration avec Alexandre Pineaud, responsable bétons spéciaux en Ile-de-France pour Heidelberg Materials