Anatole de Baudot : Chantre du ciment armé

Muriel Carbonnet
08/06/2014
Modifié le 09/06/2022 à 17:37

Peu connu du grand public, Anatole de Baudot (1834-1915) n’en demeure pas moins un des piliers de la fin du XIXe en architecture, bien qu’il ait peu bâti, son œuvre étant surtout imaginaire. Et il a participé à nombre de rénovations.

Article paru dans le n° 54 de Béton[s] le Magazine

Anatole de Baudot (1834-1915) est connu pour son utilisation du ciment armé. [©DR]
Anatole de Baudot (1834-1915) est connu pour son utilisation du ciment armé. [©DR]

L’activité d’Anatole de Baudot a été déterminée par sa formation à l’école des Beaux-Arts, auprès de l’architecte Henri Labrouste, chef de l’Ecole rationaliste (ou fonctionnaliste). Dont la doctrine était qu’en architecture la beauté de la forme résulte d’une adéquation du bâtiment à son utilité. Elève préféré de Viollet-le-Duc, Anatole de Baudot a suivi son enseignement avant de travailler à ses côtés. C’est ainsi qu’en 1867, il a participé aux travaux de restauration de la chapelle du château de Vincennes (94). Puis a été nommé architecte du monument en 1871. Il a gravi ensuite tous les échelons des Monuments Historiques.

Puis en 1879, à la mort de Viollet-le-Duc, il a accédé à la commission des Monuments Historiques et est devenu inspecteur général en 1907.

Il s’est occupé principalement de restauration (cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption de Clermont-Ferrant (63), église d’Aubazines (19), église de Saint-Nicolas-Saint-Laumer à Blois (41)…). Et d’enseignement, devenant titulaire de la nouvelle chaire d’architecture française du Moyen-Age et de la Renaissance et de construction.

L’ère du ciment armé

En 1882, la construction du lycée Lakanal constitue une étape décisive dans son œuvre. [©DR]
En 1882, la construction du lycée Lakanal constitue une étape décisive dans son œuvre. [©DR]

Les principales réalisations se situent entre 1860 et 1914. Deux dates pour une période de crise architecturale, des idées et techniques révolutionnaires refondent une nouvelle architecture. Baudot participe à ces controverses et expériences. Dans la fièvre de construction du début de la IIIeRépublique, son œuvre est restreinte. Des cinquante projets qu’on lui connaît, seize seulement seront réalisés. Comme le théâtre des 7 collines à Tulle (19) avec une mise en œuvre d’un voile mince en ciment armé pour le dôme de la toiture. Ou l’église Saint-Jean-de-Montmartre, à Paris où il utilise le ciment armé….

Ce fut avant tout un théoricien qui consacra une grande partie de son existence à défendre les concepts de son maître Viollet-le-Duc. Ses chantiers importants datent des années 1882-1895. 

De 1863 à 1880, pendant les années de l’éclectisme, il produit des œuvres banales avec des matériaux traditionnels. Mais aussi des demeures privées au parti décoratif plus inventif. Ce qui est révélateur d’une participation au renouvellement de la création architecturale. En 1882, la construction du lycée Lakanal constitue une étape décisive dans son œuvre. Le programme, dicté par des règles scolaires et sanitaires nouvelles, impose une modernité qui ne laisse aucune place au passé. A partir de 1890, il emploie systématiquement le ciment armé dans les édifices qu’il conçoit. Voire ceux qu’il restaure, tel le donjon de Vincennes.

En effet, au béton armé, il préfère ce matériau. Car ce dernier permet de plus faibles épaisseurs et d’en tirer un langage architectural neuf.

Abolir la distinction entre l’architecture riche et pauvre

L’église Saint-Jean-de-Montmartre, à Paris où Baudot a utilisé le ciment armé. [©ACPresse]
L’église Saint-Jean-de-Montmartre, à Paris où Baudot a utilisé le ciment armé. [©ACPresse]

Il choisit le “système Cottancin” qui utilise de minces dalles de ciment armé renforcées “d’épines-contreforts” pour les parties horizontales. Et des briques enfilées sur des tringles de fer pour les parties verticales.

Pour Anatole de Baudot, le ciment armé offre à l’architecture la possibilité de revenir au principe de l’unité de structure abandonné depuis l’Antiquité.

A ses yeux, ce matériau présente l’avantage d’abolir la distinction entre l’architecture riche et pauvre, si fortement marquée dans l’architecture de pierre. Et de « ramener cette architecture à son véritable rôle de construction et non plus de décor ». Si le ciment armé revêt tant d’intérêt pour l’architecte, c’est qu’à la différence du fer, il peut être à la fois ossature et enveloppe de l’édifice.

Baudot se démarque des architectes de son temps, qui comme Boileau au Bon Marché, à Paris, utilise ce matériau nouveau qu’est le fer. En le réduisant à n’être que le support de formes anciennes, sans l’intégrer à des formules neuves. Le système “Cottancin” disparaîtra pourtant après 1914 au profit du système “Hennebique” qui, lui, emploie le béton armé.

Muriel Carbonnet

Article paru dans le n° 54 de Béton[s] le Magazine