Agru : Protéger le béton des effets de l’hydrogène sulfuré

Frédéric Gluzicki
13/01/2020
Modifié le 13/01/2021 à 17:19

Le stockage d’eaux usées, induit des émanations d’hydrogène sulfuré (H2S). Afin de protéger le béton, la solution Ultra Grip, développée par l’industriel Agru, intervient.

Cet article est à retrouver dans le n° 88 de Béton[s] le Magazine.

Opération de coulage de la seconde moitié du radier du bassin de 40 m de diamètre. [©Agru]
Opération de coulage de la seconde moitié du radier du bassin de 40 m de diamètre. [©Agru]

Le stockage, même provisoire, d’eaux usées, induit des émanations d’hydrogène sulfuré (H2S). Ce gaz est corrosif pour le béton. D’où la nécessité de le protéger. C’est dans ce contexte qu’intervient la solution Ultra Grip, développée par l’industriel autrichien Agru.

Chaque été, le secteur du bassin d’Arcachon voit sa population augmenter de manière très importante. Au point de ne plus permettre à la station d’épuration de traiter les eaux usées. De ce constat est née la décision de créer deux réservoirs-tampons enterrés de 40 m et de 60 m de diamètre, pour une hauteur de 8,50 m. Soit un volume global de 30 000 m3. Des travaux lancés à l’initiative du Syndicat des eaux du bassin d’Arcachon (Siba).

Compte tenu de la nature des effluents stockés, il était impératif de prévoir un système de protection des bétons contre la corrosion induite par l’hydrogène sulfuré (H2S). En même temps, le maître d’ouvrage souhaitait une étanchéité lisse et sans pli . Ceci, pour limiter l’accroche des impuretés et permettre le nettoyage aisé des ouvrages.

D’une manière classique, l’infrastructure des bassins est réalisée à partir d’une paroi moulée circulaire creusée jusqu’à une profondeur de 18,50 m. Après excavation des terres présentes dans les zones ainsi confinées, les radiers sont coulés en fond de fouille. Et, pour éviter les sous-pressions dues à la nappe phréatique, ils sont ancrés au moyen de tirants. Une fois cette première phase de travaux exécutés, l’entreprise a pu débuter la mise en place du système d’étanchéité. Visant à protéger les bétons exposés au H2S.

420 crampons d’ancrage au mètre carré

Pour assurer un parfait ancrage dans le béton, la partie arrière du complexe Ultra Grip est hérissée de crampons, à raison de 420 unités/m2.  [©Agru]
Pour assurer un parfait ancrage dans le béton, la partie arrière du complexe Ultra Grip est hérissée de crampons, à raison de 420 unités/m2. [©Agru]

A ce niveau, les radiers n’ont eu pas besoin d’être traités, car il est prévu de laisser en permanence une garde d’eau à l’intérieur des bassins. Le gaz ne sera donc jamais en contact avec eux. En revanche, les parois verticales, la centaine de poteaux destinés à supporter la dalle de couverture et la dalle elle-même doivent être protégées.

Pour ce faire, le choix technique s’est porté sur la solution Ultra Grip développée par l’industriel autrichien Agru. Le produit se caractérise par la présence de crampons, positionnés en quinconce, en face arrière, à raison de 420 ancrages/m2. Chaque ergot présente la forme d’un “V” pour garantir un parfait accrochage dans le béton. En fonction de la nature des effluents et/ou de la température d’exposition (en positif comme en négatif), l’Ultra Grip peut être fabriqué en PEHD1, PP2, PVDF3 ou ECTFE4

Quant à l’’épaisseur du complexe, elle varie de 2 à 12 mm. Selon l’épaisseur choisie, il peut être fabriqué en rouleaux jusqu’à 5 m de largeur ou en plaques de 4 m x 2 m. De même, il peut être co-extrudé, une face noire avant et une face claire arrière. Ceci, pour limiter la dilatation avant le coulage du béton et pour mieux repérer les éventuels accrocs en parties courantes.

Côté technique, l’Ultra Grip offre une résistance à la traction (arrachement) de plus de 80 t/m2, soit une réponse de 2 200 N par crampon.

Une étanchéité intégrée lors de la préfabrication

Aire de préfabrication foraine des prédalles. [©Agru]
Aire de préfabrication foraine des prédalles. [©Agru]

C’est la version “plaque” qui a été choisie sur le chantier du bassin d’Arcachon. Mise en œuvre en fond de moule, dans le cadre d’une préfabrication foraine. L’objectif était de confectionner des éléments de prédalles, utilisés à la verticale pour construire les murs d’enceinte des bassins. Et aussi pour réaliser la dalle de couverture et de confinement des effluents.

Bien entendu, il est aussi possible de positionner directement le complexe d’étanchéité sur un coffrage vertical. C’est même ce qui se passe le plus souvent. Dans ce cas, le raccordement des lés d’Ultra Grip est réalisé au moyen d’un profilé sécable. Ce dernier permet d’éviter à la laitance de pénétrer dans la zone de la soudure et aux lés, de s’écarter sous la poussée du béton. Une fois la prise faite, il suffit de déchirer le profilé pour réaliser la soudure étanche des lés.

Prédalles intégrant les panneaux Ultra Grip, en cours de séchage en attendant le pose.
Prédalles intégrant les panneaux Ultra Grip, en cours de séchage en attendant le pose. [©Agru]

A l’issue de la préfabrication, opérée sur le chantier du bassin d’Arcachon, les “prédalles” sont positionnées contre les parois moulées, le complexe étanche Ultra Grip orienté vers l’intérieur du bassin. Dans un second temps, le vide interstitiel entre la paroi et la prédalle est rempli de béton (à la manière d’un prémur). Quant à la création de la dalle de couverture, l’opération est plus classique. La prédalle, étanchéité en sous-face, sert tout simplement de support au béton formant la dalle de compression…

Des tubes protecteurs des bétons

Les prédalles sont positionnées à la verticale, le long de la paroi moulée, laissant un interstice qui sera rempli de béton. Et toute la surface du bassin reçoit les poteaux porteurs de la dalle de couverture.  [©Agru]
Les prédalles sont positionnées à la verticale, le long de la paroi moulée, laissant un interstice qui sera rempli de béton. Et toute la surface du bassin reçoit les poteaux porteurs de la dalle de couverture. [©Agru]

Dernière étape du processus, le raccordement entre les différentes plaques d’Ultra Grip. Pour ce faire, on utilise le principe de la soudure par extrusion. C’est-à-dire, un dépôt de matière au droit de chaque liaison. Mais, avant de réaliser la soudure, un fil PE électro-conducteur est mis en place au droit de toutes les soudures. L’extrusion vient ensuite recouvrir le fil. Cette solution permet de contrôler 100 % des soudures au peigne électrique.

Outre ses qualités d’étanchéisation, l’Ultra Grip est aussi insensible à la micro-fissuration du béton. Ainsi, un test en laboratoire a permis de le démontrer. En effet, soumis à un écrasement, une section circulaire en béton équipée du complexe d’étanchéité s’est rompue. Mais l’étanchéité, toujours en place, n’a subi aucune rupture. Un paramètre qui peut être pris en compte pour limiter le dosage en ciment du béton et la densité d’armature.

Vue aérienne sur le bassin de 60 m de diamètre et sa dalle de couverture, en cours de construction. [©Agru]
Vue aérienne sur le bassin de 60 m de diamètre et sa dalle de couverture, en cours de construction. [©Agru]

Et qu’en est-il des poteaux permettant de supporter la dalle de couverture ? Ils ont été construits à l’aide de tubes en PEHD de 50 cm de diamètre, utilisés en tant que coffrages perdus. Ces éléments assurent aussi la protection des bétons contre le H2S. D’une hauteur de 8,50 m dans le cas présent, les tubes sont produits dans la même usine que le complexe Ultra Grip. Une manière de garantir la même composition du PEHD. Et ainsi, de réaliser une soudure homogène entre les tubes et l’étanchéité.

C’est en 1948 que l’industriel Agru voit le jour en Autriche. Fondé par Aloïs Gruber, il est aujourd’hui spécialisé dans la production de géomembranes destinées à l’étanchéité et à la protection des ouvrages. L’activité principale est centrée sur les ouvrages en terre, pour lesquels Agru propose une large gamme de géosynthétiques pour l’étanchéité, le drainage, le renforcement de sol ou les accroche-terre. Le second pôle concerne les ouvrages de génie civil. En travaux neufs ou en réhabilitation d'ouvrages, l’industriel développe différentes techniques pour l’étanchéité et la protection du béton. Tels les plaques à crampons Ultra Grip, qui préservent le béton des agressions chimiques. Ou le système Hydroclik, réservé à la réhabilitation des réservoirs d’eau potable. Il y a aussi l’Hydro+, développé pour l’étanchéité d’ouvrages béton en travaux neufs. Agru possède des usines en Autriche, aux Etats-Unis et en Asie. Il est présent en France depuis 25 ans et y déploie trois agences, à Lyon (siège), à Rouen et à Perpignan.

 

1Polyéthylène haute densité.
2Polypropylène.
3Polyfluorure de vinylidène.
4Copolymère d’éthylène et de chlorotrifluoroéthylène.

Cet article est à retrouver dans le n° 88 de Béton[s] le Magazine.