Vols de matériels sur chantier : Lever l’omerta

Muriel Carbonnet
10/06/2025

Face à la recrudescence des vols de matériels sur chantier, la profession se mobilise. Enquête sur cet enjeu majeur pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics.

La lutte contre les vols de matériels sur chantier nécessite une approche globale, combinant prévention, sensibilisation, coopération avec les forces de l’ordre et outils adaptés. [©DLR]
La lutte contre les vols de matériels sur chantier nécessite une approche globale, combinant prévention, sensibilisation, coopération avec les forces de l’ordre et outils adaptés. [©DLR]

Face à la recrudescence des vols sur chantier, la profession se mobilise. Ce fléau constitue un enjeu majeur pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics. Impactant leur activité et leur compétitivité.

C’est ce que met en lumière le baromètre 2025 alarmant, publié par Coyote Business Services. Un échantillon représentatif de 411 professionnels du BTP en charge des achats et/ou de la gestion de parcs matériels et de véhicules en France métropolitaine ont été interrogés sur une période allant du 3 au 15 février 2025. Ce baromètre révèle au grand jour l’exposition croissante des entreprises face à ce phénomène. Quelque 68 % d’entre elles ont été confrontées à un vol, de manière directe ou indirecte. En 2022, cinq professionnels sur dix se disaient concernés par la problématique des vols. Trois ans plus tard, ils sont 40 % de plus. Ce phénomène est donc endémique et touche l’ensemble des corps de métiers, sur tout le territoire et pour tous types d’engins ou d’équipements.

Un constat alarmant

La Fédération DLR vient de lancer un nouvel outil de lutte contre ce phénomène. Il s’agit d’un document d’aide au dépôt de plainte, élaboré en collaboration avec le Pôle judiciaire de la gendarmerie. [©DLR]
La Fédération DLR vient de lancer un nouvel outil de lutte contre ce phénomène. Il s’agit d’un document d’aide au dépôt de plainte, élaboré en collaboration avec le Pôle judiciaire de la gendarmerie. [©DLR]

Les chiffres issus du baromètre sont parlants : 76 % des interrogés déclarent avoir subi au moins deux vols, 45 % se souviennent d’au moins trois vols. Et enfin, 20 % ont été victimes de plus de six vols. En ce qui concerne les types de matériels volés, 38 % des vols portent sur des véhicules utilitaires et 33 % sur des engins de chantier. Enfin, 69 % des interrogées mettent en œuvre au moins une solution de sécurité (caméras, alarmes, vigiles…).

Les pertes financières sont aussi alarmantes, avec une perte moyenne de 31 000 € par entreprise suite à un vol. Malgré un risque considérable lié à ce risque, la majorité des professionnels ne dispose pas d’une couverture assurantielle adaptée à ces préjudices. Près de 68 % des professionnels n’ont pas souscrit une assurance dans ce sens, leur permettant d’être remboursés en totalité d’un vol et de ses conséquences.

A cela s’ajoutent les retombées psychologiques qui sont aussi préoccupantes. Un quart des professionnels ressentent du stress et un sentiment d’insécurité parmi le personnel. Et 86 % se disent plus inquiets qu’auparavant.

Mobilisation collective

Le document de la DLR vise à structurer et à normaliser les déclarations de vol. Afin d’optimiser leur traitement par les forces de l’ordre et de garantir une meilleure traçabilité des matériels volés. [©DLR]
Le document de la DLR vise à structurer et à normaliser les déclarations de vol. Afin d’optimiser leur traitement par les forces de l’ordre et de garantir une meilleure traçabilité des matériels volés. [©DLR]

La FFB confirme cette réalité préoccupante et souligne que la majorité de ses adhérents est concernée.  « C’est un sujet qui impacte tout le monde et qui nécessite une mobilisation collective pour protéger les actifs des entreprises et assurer la sécurité sur chantier. C’est un véritable sujet de fond. Un vol sur sept en France est imputé au BTP. C’est complètement dingue », s’inquiète la Fédération. Et de rajouter : « Grâce à ce genre d’enquête, le phénomène d’omerta qui entoure souvent ce sujet se lève. Les entreprises n’osent pas parler des vols qu’elles subissent. Il est crucial de lever le voile sur cette réalité et de mobiliser les pouvoirs publics ». Du point de vue de la fédération, la lutte contre les vols de matériels ne peut se limiter aux seules entreprises. « La problématique est à double entrée. Il faut insister sur la nécessité d’un dialogue permanent entre entreprises, maîtres d’ouvrage et assureurs. En effet, ces premières sont souvent gardiennes du chantier pendant toute sa durée. Mais la sécurisation a un coût que les maîtres d’ouvrage ne sont pas toujours prêts à assumer. Tous les acteurs doivent donc être sensibilisés à ces risques. Afin que la protection des matériels devienne une priorité partagée », martèle la FFB.

Les réponses se multiplient

Face à l’augmentation de la sinistralité visée sur les engins de chantier, la solution de récupération après-vol Coyote Secure par exemple permet aux professionnels de sécuriser leurs activités, en profitant d’une équipe de détectives en alerte 24 h/24, 7 j/7, en collaboration avec les forces de l’ordre partout en Europe. Ceci, combiné aux performances technologiques d’un traceur unique, dissimulé et parfaitement autonome.

Au même moment, la Fédération DLR (Distribution, Location, Maintenance des matériels de construction et de manutention) qui représente plus de 1 000 adhérents couvrant 70 % du marché, vient de lancer un nouvel outil de lutte contre ce phénomène. Il s’agit d’un document d’aide au dépôt de plainte, élaboré en collaboration avec le Pôle judiciaire de la gendarmerie (PJGN). Ce document vise à structurer et à normaliser les déclarations de vol. Afin d’optimiser leur traitement par les forces de l’ordre et de garantir une meilleure traçabilité des matériels volés. L’importance de ce document d’aide réside dans plusieurs aspects essentiels. Il permet d’enrichir la base nationale FOVes (Fichier des objets et véhicules signalés). Et contribue à la prévention, en identifiant les tendances et en permettant des actions dissuasives contre les récidives. Cet outil est accessible à toutes les entreprise, adhérentes ou non. Et invite à son usage systématique pour améliorer l’efficacité de la lutte collective contre les vols.

Ras le vol

« A la FFB, nous avons un dispositif nommé Ras le vol, auquel les adhérents ont accès sur notre site Internet. Ce dispositif, qui est un ensemble de documents, graphiques, fiches pratiques, leur permet de pouvoir identifier les interlocuteurs pertinents au sein des forces de l’ordre. Que ce soit la gendarmerie ou le commissariat de police ». La FFB communique aussi sur ce sujet dans son journal bimensuel “Bâtiment Actualité”. Elle a renoué des liens avec les services du ministère de l’Intérieur, afin de relancer le partenariat qu’elle avait avec eux depuis 2008 et 2013. Cette charte prévoyait notamment le fait que les forces de l’ordre prendraient particulièrement au sérieux les chantiers à risque et fourniraient un appui particulier en cas de détection de risque ou de survenance de vol. « L’un des leviers de cette collaboration était la mise en place d’une liste de personnes référentes qu’on appelle les “références sûreté”. Nous avons relancé le ministère de l’Intérieur et avons rencontré le cabinet qui nous a donné un écho plutôt positif. »

Enfin, il convient de rappeler que le vol n’est qu’une partie des risques auxquels les chantiers sont exposés. Avec aussi des actes de vandalisme et de chantage. La lutte contre ces pratiques nécessite donc une approche globale, combinant prévention, sensibilisation, coopération avec les forces de l’ordre et outils adaptés. Les conclusions du baromètre, les actions de la DLR et de la FFB essaient de faire passer ce message.

Muriel Carbonnet-Villenave

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