Le nouveau défi des constructions éco-résilientes

Rédaction
23/03/2024
Modifié le 05/04/2024 à 12:41

Pour répondre aux défis de l’éco-résilience des constructions en béton, il est indispensable d’améliorer la résistance à la fissuration de ces ouvrages, comme l’explique Pierre Rossi, expert international et spécialiste du sujet.

Article paru dans Béton[s] le Magazine n° 111

Les constructions en béton d’aujourd’hui et de demain doivent être écologiques et résilientes ou éco-résilientes
[©ACPresse]
Les constructions en béton d’aujourd’hui et de demain doivent être écologiques et résilientes ou éco-résilientes [©ACPresse]

I – Etat des lieux

Le changement climatique a différentes origines et conséquences. Du fait de la mauvaise empreinte carbone du ciment, principal constituant des bétons, les constructions contribuent au réchauffement climatique (sans parler de la consommation des ressources naturelles). En même temps, elles en sont les victimes, car le dérèglement climatique conduit à des risques naturels, tels les crues, les débordements maritimes ou encore les incendies. Ces derniers font subir aux constructions en béton des agressions mécaniques et physiques graves auxquelles elles doivent résister : sollicitations dynamiques (chocs et séismes), variations de température (jour/nuit, été/hiver), variations d’humidité (pluies/sécheresses), pénétrations d’eau (crues) et températures très élevées (incendies). Les constructions en béton Elles doivent donc montrer de plus en plus de résilience. Le principal aspect de cette résilience est lié à leur conception qui doit leur permettre de résister avec un minimum de dégâts. Ce dernier point est essentiel, car une réparation rapide – la moins coûteuse possible et la plus avare en ressources naturelles – est la meilleure candidate au développement durable.

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De fait, les constructions en béton d’aujourd’hui et de demain doivent être écologiques et résilientes ou éco-résilientes – ce qu’on appelle les constructions Ecore -, objectifs pas si simples à atteindre. Les errements de la R&D actuelle en sont l’illustration…

II – Analyse critique de la R&D dans le domaine des constructions en béton

La R&D s’est orientée vers les aspects écologiques des bétons avec, pour objectif premier, d’en réduire l’empreinte carbone.
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La R&D s’est orientée vers les aspects écologiques des bétons avec, pour objectif premier, d’en réduire l’empreinte carbone. [©ACPresse]

2.1 – Les recherches à l’échelle du matériau

A l’échelle internationale, la R&D s’est orientée vers les aspects écologiques des bétons avec, pour objectif premier, d’en réduire l’empreinte carbone. Pour ce faire, les études se sont concentrées sur le développement de formulations contenant moins de ciment, remplacé par des poudres ayant de plus faibles empreintes carbone et/ou issues de matériaux recyclés. La construction en béton devient donc “écologique”, en diminuant la quantité de ciment, tout en assurant les fonctions qui lui sont demandées.

Toutefois, du fait du changement climatique, les constructions en béton subissent des contraintes mécaniques et des agressions physico-chimiques accrues. La connaissance du processus de fissuration constitue donc le sujet majeur à prendre en compte au regard de ces agressions, car :

• Ce processus, soumis à des sollicitations impulsionnelles (chocs) ou de type sismique (qui rentrent dans le cadre de la fatigue plastique) est très différent de celui relatif aux sollicitations quasi-statiques ;

• La fissuration dite “de service” (ouvertures n’excédant pas 300 μm) constitue un important accélérateur quant à la pénétration de liquides agressifs à la fois pour les bétons et les armatures passives ou actives (précontraint).

Or, déterminer les résistances en traction et en compression d’un béton ne permet pas d’avoir des informations pertinentes sur le processus de fissuration en statique. Et encore moins sous sollicitation sismique ou dynamique (chocs). Seule, l’utilisation de la mécanique de la rupture permet d’accéder à ces informations pertinentes. Par conséquent, les recherches actuelles sur les bétons alternatifs ne sont pas suffisantes face aux enjeux des changements climatiques.

2.2 – Les recherches à l’échelle de la structure

C’est la construction en béton qui doit être écologique. En d’autres termes, elle doit minimiser, pour des fonctions données, la quantité de ciment dont elle est constituée. Cette réduction passe par le choix de la méthode de conception. Mais de nos jours, les constructions en béton sont dimensionnées au travers de l’utilisation de règlements de calcul (en Europe, ce sont aujourd’hui les Eurocodes). Ces derniers ont vu le jour au début du XXe siècle, afin de permettre à de nombreux bureaux d’études de concevoir vite et avec le plus de sécurité possible les constructions en béton. Ils sont basés sur des approches simplifiées assez rudimentaires par rapport aux comportements mécaniques et physico-chimiques réels des constructions en béton. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle ils font intervenir de nombreux coefficients dits “de sécurité”.

Au regard des enjeux actuels, le problème est que ces coefficients conduisent à surdimensionner les constructions en béton, sans toujours les “sur-sécuriser”. En d’autres termes, les règlements de calcul conduisent à une surconsommation des bétons et donc du ciment.

Aujourd’hui, une grande majorité des groupes de travail nationaux et internationaux travaillent sur l’amélioration affichée de ces règlements de calculs. Le fait de perfectionner un outil conceptuellement inadapté ne conduira pas à un outil adapté… Mais pourra seulement diminuer son inadaptation !

III – Proposition d’une approche globale de conception des constructions Ecore en béton

Les constructions en béton doivent renforcer leur résistance à la fissuration.
[©ACPresse]
Les constructions en béton doivent renforcer leur résistance à la fissuration. [©ACPresse]

Pour que les constructions en béton améliorent leur résistance aux agressions mécaniques et physico-chimiques (liées aux changements climatiques), elles doivent renforcer leur résistance à la fissuration. Il est maintenant connu et admis que les fibres, en particulier métalliques, apportent beaucoup dans la maîtrise de cette fissuration. Ainsi :

• Elles sont plus efficaces que les armatures de béton pour contrôler les fissures de service. Pour une même sollicitation de service, les fissures sont moins ouvertes, plus tortueuses dans leur cheminement et souvent discontinues. Les constructions en béton résistent ainsi beaucoup mieux à la pénétration des liquides.

• Les fibres associées aux armatures améliorent de manière importante le comportement vis-à-vis des chocs et des séismes.

Ces apports positifs des fibres sont liés au fait qu’elles agissent à une échelle différente du processus de fissuration et qu’elles sont complémentaires des renforcements classiques (armatures passives et actives). Les fibres doivent être considérées comme aussi indispensables que ces renforcements classiques. Il faut les utiliser dans toutes les constructions qui risquent d’être pénalisées par la fissuration. L’ajout de fibres conduit donc à améliorer la résilience des constructions en béton, mais il ne répond pas à l’objectif d’amélioration de leur performance écologique.

Pour ce faire, il faut que la conception des constructions se traduise par une diminution significative de la quantité de ciment utilisé, mais aussi d’armatures et de fibres. Les constructions qui ont un fonctionnement mécanique hyperstatique sont celles qui conduisent à plus de sécurité quand elles sont amenées à fissurer. Ce fait est lié à un processus de fissuration beaucoup moins localisé (du fait de la redistribution des contraintes) que celui relatif aux constructions isostatiques. Ce d’autant plus qu’il s’agit d’une fissuration de service.

Les règles actuelles de dimensionnement des structures en béton sont trop rudimentaires pour prendre en compte de manière réaliste les mécanismes de multi-fissurations des structures hyperstatiques. Et encore moins quand il s’agit d’un renforcement mixte armatures/fibres. La solution ne peut passer que par l’utilisation du calcul aux éléments finis non linéaires. C’est-à-dire prenant en compte les processus de fissuration des constructions en béton.

Les fibres doivent être considérées comme aussi indispensables que les renforcements classiques.
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Les fibres doivent être considérées comme aussi indispensables que les renforcements classiques. [©ACPresse]

Dans la littérature, il existe un certain nombre de modèles numériques qui ont cet objectif.

Le problème principal dans leur utilisation pour une conception optimisée est qu’ils ne sont pas, à l’heure actuelle, assez validés à l’échelle des structures réelles. Par le passé, de nombreuses études expérimentales ont été réalisées, au niveau international, sur des structures ou éléments structuraux à l’échelle 1. Elles avaient pour but de montrer que les règlements de calcul

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Article paru dans Béton[s] le Magazine n° 111

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