Au-delà de leur intérêt environnemental, les bétons végétaux offrent une grande diversité de composition et de caractéristiques techniques. Ce qui leur permet de s’adapter à des exigences et à des utilisations variées. Si leur potentiel d’innovation reste très large, le marché propose aujourd’hui des solutions matures, que ce soit en construction neuve ou en rénovation.
Retrouvez cet article dans le n° 84 de Béton[s] le Magazine
I – Qu’est-ce qu’un béton végétal ?
Les bétons végétaux sont des bétons dans lesquels on remplace tout ou partie des granulats minéraux par des granulats d’origine végétale. Cette substitution modifie très sensiblement les performances de ces bétons.
Les liants peuvent être de natures diverses : chaux, ciments, argiles… Mais ils exigent de prendre des précautions pour que la prise soit assurée.
Pour les granulats, la variété des ressources est très large. Les granulats de bois sont utilisés depuis plusieurs dizaines d’années pour :
- la confection de bétons légers et
- pour la réalisation de murs anti-bruits.
Un développement plus récent concerne la fabrication de blocs à maçonner. Avec des granulats issus de palettes en fin de vie.
Les bétons de chanvre sont, quant à eux, apparus il y a une trentaine d’années. De nombreux travaux de recherche ont mis en valeur leurs spécificités physiques, dont leur porosité. Ces travaux, qui se poursuivent, ont permis de fiabiliser les utilisations.
Ressources végétales mobilisables
En dehors de ces deux “majors” – bois et chanvre – qui occupent l’essentiel du marché, de nombreuses autres ressources sont mobilisables :
- le miscanthus – “roseaux de Chine” ou “herbe à éléphant” et
- le lin.
Malgré des filières organisées, ces matériaux n’ont pas encore fait réellement aboutir les travaux de développement mis en place dans le domaine de la construction
Parmi les grandes cultures pratiquées en France métropolitaine, le colza, le tournesol et le maïs suscitent des intérêts croissants. Ces cultures sont susceptibles de produire des volumes très importants à partir des tiges, qui ne sont pas valorisées. Sans concurrence avec les usages alimentaires et à des coûts potentiellement très bas.
Plus exotiques, mais avec des potentiels importants dans des zones géographiques à fort développement démographique, les cosses de riz et les résidus de canne à sucre (bagasse) permettent de confectionner des bétons végétaux performants.
Enfin, dans de nombreuses zones géographiques, les éco-systèmes naturels possèdent des potentiels importants à l’instar du typha. C’est un roseau qui envahit, entre autres, le fleuve Sénégal et qui fait l’objet de programmes de développement ambitieux.
Globalement, de nombreuses ressources végétales sont en mesure d’être transformées en granulats pour confectionner des bétons végétaux. Et avec l’ambition, dans la logique de la filière béton, de favoriser des ressources locales.
II – Quelles sont les précautions à prendre pour formuler un béton végétal ? Quelles en sont les limites ?
La principale difficulté provient de l’émission de lixiviats chargés en polysaccharides lors du mélange des granulats avec l’eau de gâchage. Ces sucres contrarient la prise des liants hydrauliques, en diminuant la résistance mécanique du béton. Plusieurs solutions existent pour réduire ce phénomène : l’adjuvantation, qui peut bloquer la diffusion des sucres, l’utilisation de liant à prise très rapide, afin que cette dernière se fasse avant l’émission des sucres. Ou encore l’enrobage des granulats, avec une barbotine de ciment ou de chaux pour former une coque protectrice.
Il faut cependant préciser que la porosité interne des granulats (d’environ 80 %) confère au béton souplesse et faible résistance mécanique (Rc proche de 1 MPa). Elle peut être améliorée par l’augmentation du dosage en liant et/ou par la compression du béton à la mise en place, ce qui permet de dépasser les 4 MPa. Mais c’est au détriment des performances thermiques. Il s’agit donc de trouver un compromis, qui réponde aux exigences des utilisations prévues.
Vers une normalisation des granulats végétaux
Les bétons végétaux détiennent un potentiel de développement important,dont l’un des points forts est la variété des ressources mobilisables.
Cette variété pose toutefois une difficulté quant aux spécifications des différents granulats,qui ne peuvent aujourd’hui s’appuyer sur aucune norme. Cette carence oblige à caractériser chaque formulation,ce qui limite beaucoup le développement d’une réelle massification de l’usage des bétons végétaux.
Par ailleurs, la filière ne dispose pas,pour le moment,d’une structuration,qui porte l’ambition d’élaborer les cadres normatifs indispensables. C’est ce qui a amené la Guilde des métiers de la chaux à mettre en place le groupe de travail “Sable Vert”, dont le principal objectif est de pallier cette déficience.
III – Qu’apportent les bétons végétaux ?
Sur le plan environnemental, les bétons végétaux répondent à deux attentes fortes : la capacité de fournir des quantités importantes de granulats renouvelables pour faire face à des besoins, qui croissent au niveau mondial de façon exponentielle. Et la diminution des impacts carbone des matériaux de construction, qui participent, en construction neuve, à hauteur de 60 % des émissions globales des bâtiments.
Les bétons végétaux représentent une des solutions matures pour diminuer le bilan carbone des bétons. Sans compter leur capacité de stocker du carbone, caractéristique qui, selon la loi Elan, devra être prise en compte dans les futures réglementations.
Du point de vue des caractéristiques physiques, du fait de la porosité des granulats, les bétons végétaux bénéficient d’une faible masse volumique, d’une grande plasticité, d’une résistance thermique élevée et de capacités d’absorption phonique. Leur porosité permet d’expliquer leur comportement hygrothermique : les échanges de vapeur d’eau sont possibles avec l’air ambiant et les effets des vaporisations/condensations de la vapeur d’eau au sein du réseau poreux améliorent sensiblement la performance énergétique des bâtiments.
IV – Quels sont les champs d’application des bétons végétaux ?
En dehors des utilisations exigeant de fortes résistances en compression, les champs d’application des bétons végétaux sont larges.
On voit se dessiner deux axes de mise en œuvre. D’une part, la confection de béton sur chantier avec une mise en œuvre par projection, permettant la réalisation d’enduits isolants et le remplissage de parois – en général, à structure bois. D’autre part, la préfabrication, depuis les blocs à maçonner (dont des systèmes innovants de montage à sec par emboîtement) jusqu’à de la construction modulaire, dont une proposition a été lauréate du prix de l’Innovation du salon des Maires 2014. En passant par des panneaux, incluant une structure bois ou combinant un voile structurant et une isolation en béton végétal.
Sans que la frontière soit étanche, la préfabrication répond bien aux exigences de la construction neuve. Alors que la projection est une solution pertinente en rénovation, en particulier dans le cas du bâti antérieur à 1948. Dans ce dernier cas, grâce à leur porosité et à leur plasticité, les bétons végétaux respectent tant le fonctionnement hygrothermique que l’architecture, en épousant toutes les formes du bâti existant et en adaptant les épaisseurs aux différentes contraintes.
Bernard Boyeux,
Directeur de BioBuild Concept, membre de Sable Vert
Sujet réalisé en collaboration avec :
Laurent Arnaud, chef du département bâtiments durables du Cerema, membre de Sable Vert, et
Michel Rizza, guilde des métiers de la chaux, membre de Sable Vert