Association pour le hors-site : Rassembler les acteurs qui ne travaillent pas ensemble

Colin Rousselet
06/02/2024
Modifié le 05/04/2024 à 14:23

Grand Paris Aménagement, le Groupe 3F et la Société du Grand Paris sont à l’origine de l’Association pour la construction hors site. John Tanguy, directeur de la stratégie à la SGP, et Pierre Paulot, directeur de la maîtrise d’ouvrage chez Immobilière 3F, en présentent la genèse et les objectifs.

Article paru dans Béton[s] le Magazine n°110

Pierre Paulot, directeur de la maîtrise d’ouvrage chez Immobilière 3F, et John Tanguy, directeur de la stratégie à la Société du Grand Paris. [©Groupe 3F et ©SGP]
Pierre Paulot, directeur de la maîtrise d’ouvrage chez Immobilière 3F, et John Tanguy, directeur de la stratégie à la Société du Grand Paris. [©Groupe 3F et ©SGP]

Comment s’est créée l’Association pour le hors site ?

John Tanguy : Nous sommes partis de constats partagés par la profession. La construction est assez énergivore, émettrice en carbone et les modèles n’ont pas beaucoup évolué. Nous avons partagé cette réflexion avec 3F et Grand Paris Aménagement, et avons monté un groupe de travail autour de la construction hors site. Cette solution est, selon nous, un élément de réponse aux problématiques rencontrées.

Pierre Paulot : En parallèle, les exigences sur la construction se sont accrues, que ce soit en termes de durabilité, de qualité et d’empreinte carbone. Avec la construction hors site, nous pouvons nous appuyer sur les filières de construction pour décarboner le secteur. Mise en place récemment, la RE 2020 oblige à aller vers plus d’exigences. Avec la construction hors site, nous pourrons en dépasser les seuils.

Qu’est-ce qui est ressorti du groupe du travail ?


P.P. : Au total, une douzaine d’acteurs ont participé aux discussions. Ensemble, nous avons élaboré un référentiel. Il était important de partir avec le même vocabulaire, la même définition de la construction hors site.

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J.T. : Ensuite, nous avons signé une charte. Ainsi, tous les membres du groupe se sont engagés à recourir au hors site pour 50 % de leurs opérations d’ici à 2031. Aujourd’hui, 5% des chantiers ont recours à la construction hors site. Nous voulons faire de ce procédé un acte plus commun.

Qui est membre de l’Association ? Qui va la diriger ?

J.T. : Nous avons déjà reçu de nombreuses candidatures pour le poste de délégué général et nous nous en réjouissons. Des promoteurs, des assureurs, des industriels, des acteurs privés et publics, mais aussi des fédérations ont fait part de leur intérêt pour rejoindre l’Association. La première assemblée générale se déroulera début mars.

P.P : Tous les acteurs se sont mobilisés et c’est très encourageant. Notre démarche n’est pas de favoriser une filière par rapport à une autre. Nous voulons hybrider les modèles constructifs, en favorisant l’économie locale et en créant de véritables éco-systèmes. Les adhérents sont là, parce qu’ils soutiennent la filière et son développement.

Quels sont les objectifs de l’Association ?

J.T. : Le but premier de l’Association est de faire de la sensibilisation. Expliquer aux ingénieurs, aux architectes et à toutes parties prenantes ce qu’est la construction hors site et ses bienfaits. Il faut donner des explications scientifiques, en particulier sur la partie environnementale. Nous voulons faire de la formation sur un sujet assez peu abordé dans les écoles et les cabinets d’architectes. L’Association va aussi servir de base de diffusion d’initiatives à l’échelle nationale. Nous nous adressons aussi aux pouvoirs publics, avec qui nous échangeons beaucoup.

P.P. :  L’objectif est de mettre en réseaux les acteurs et de créer un véritable maillage territorial, comme celui des centrales à béton. Cela permettra d’approvisionner au mieux les chantiers et de réduire l’impact environnemental.

Vous avez travaillé avec le Collège national des experts architectes français et l’Ordre des architectes. Dans quelle mesure cela est-il important pour l’Association ?

P.P. : L’architecture est au cœur du projet. Le hors site ne doit pas être associé à cette image négative, comme ce qui a pu être construit à l’entrée des villes. C’est très enrichissant de rassembler les acteurs qui ne travaillent pas tous ensemble : constructeurs, industriels, architectes et bureaux d’études. Cela permet de se challenger les uns les autres.

J.T. Avoir des architectes dans l’Association permet d’imaginer des modèles de constructions plus vertueux, tout en mettant le geste architectural au centre de la démarche. L’Association est un projet environnemental avant tout, mais qui doit se mettre au service de l’urbanisme. L’architecture contribuera à rendre crédible toute la filière de la construction hors site.

Propos recueillis par Colin Rousselet

FIB : Le béton a toute sa place dans la construction hors-site

Jacques Manzoni, directeur général de la Fib.
[©Fib]
Jacques Manzoni, directeur général de la Fib. [©Fib]

A ce jour, la Fédération de l’industrie du béton (Fib) est la seule organisation professionnelle à avoir adhéré à la toute jeune Association pour la construction hors site. Ceci, aux côtés de maîtres d’ouvrage publics, de promoteurs immobiliers, de maîtres d’œuvre, d’assistants à maîtrise d’ouvrage et d’industriels indépendants. Un choix évident pour Jacques Manzoni, directeur général de la Fib : « Trop longtemps, la construction hors site a été associée au bois et au métal. L’industrie du béton se devait de marquer aussi ce territoire sur lequel elle est tout autant légitime. L’argumentaire développé par l’Association, la définition donnée de la construction hors site, l’approche environnementale et d’économie circulaire qu’elle prône : nous sommes en phase avec chacun de ces aspects ».

L’histoire a commencé un peu plus tôt. La Fib connaissait les initiateurs du projet. A savoir, Grand Paris Aménagement, le Groupe 3F et la Société du Grand Paris. « Nous avions déjà échangé de par le passé. Quand le projet est né, ils sont venus à nous tout naturellement pour nous le présenter. Nous étions tous d’accord sur le fait que la préfabrication béton y avait toute sa place. » Sans compter les intéressantes possibilités de développement de solutions privilégiant la mixité des matériaux…

A présent s’ouvre le temps de la pédagogie et des explications. « Nombre d’architectes pensent que la préfabrication ne permet pas de laisser libre cours à la créativité, contrairement à l’approche hors site. Alors que dans les faits, il n’y a pas de différence. Disons plutôt que le terme de “hors site” est dans l’air du temps, alors que celui de “préfabrication” véhiculerait, dans leur esprit, une image plus ancienne. Le moment est donc venu de le moderniser. Ce sera l’occasion de mettre en lumière toutes les évolutions opérées par la préfabrication béton. Nous savons réaliser des pièces avec des formes, des aspects, des textures répondant aux attentes des architectes. Puis, au-delà, il est toujours possible de basculer vers l’impression 3D béton. Plusieurs industriels du béton ont installé dans leurs usines les équipements ad hoc. »

Enfin, l’Association devrait permettre de développer une véritable éco-conception d’ouvrages, « en réunissant autour d’une même table tous les acteurs concernés pour les faire travailler ensemble. Le BIM pourrait aussi s’inviter dans la construction, car on en a beaucoup parlé, mais peu vu sur le terrain, tout du moins dans le bâtiment », conclut Jacques Manzoni.

Retrouvez le dossier en intégralité ici

Article paru dans Béton[s] le Magazine n°110

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