Modifié le 15/07/2021 à 10:01

A fin octobre 2020, l’activité globale des entreprises de carrière et de BPE a été en recul de - 8,5 %. Une situation économique qui ne s’améliorera pas en 2021, selon l’Unicem.

Zone de stockage de granulats.
La production de granulats devrait être de 326 Mt en 2020. [©ACPresse]

Les chiffres des activités BPE et granulats ne sont pas bons. Ce n’est une surprise pour personne. C’est ce que vient de confirmer l’Unicem (Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction). « L’année 2020 a été très difficile, plombée par la crise sanitaire », indique Nicolas Vuillier, président de l’Unicem. Sur les dix premiers mois de l’année, l’activité globale a été en recul de 8,5 %, malgré le rebond spectaculaire à + 7,3 % durant le 3e trimestre. « Le seul sans confinement… » Et meilleur que la même période en 2019 ! Mais loin d’être suffisant pour rattraper le retard. 

Côté BPE, la baisse moyenne, à fin septembre, était de – 13,2 %. En local, ce recul d’activité a été très disparate d’une grande région à l’autre. C’est l’Ile-de-France qui a connu la chute la plus spectaculaire, affichant un – 20 %. De l’autre côté du spectre, les Pays de la Loire sauvent les meubles, en se situant à seulement – 6 % ! Et en faisant un focus sur les anciennes régions de France, le Limousin s’est même placé dans le positif, avec un fier + 2 %, à marquer d’une pierre blanche. Il était le seul dans cette situation enviable. 

Consommation BPE et Granulats
La consommation de granulats et de BPE a été très disparate sur le territoire national. [©Unicem]

Un point bas historique pour les granulats

Côté granulats, le recul est moins fort que pour le BPE : – 9,5 % sur les neuf premiers mois de l’année. En local, c’est la Provence – Alpes – Côte d’Azur qui décroche la timbale à – 17 %, talonnée par le Rhône-Alpes – Auvergne et les Hauts-de-France, paritaires à – 15 %. En se focalisant sur les anciennes régions, seule la Franche-Comté tire son épingle du jeu, affichant, là aussi, + 2 %. 

Cette divergence d’activité entre le BPE et le granulat est directement liée aux utilisations respectives de ces deux ressources. En effet, les granulats trouvent 82 % de ses débouchés dans les ouvrages de génie civil et de VRD. Et tout juste 18 % dans le bâtiment. Pour sa part, le BPE est destiné dans 68 % des cas à la construction de bâtiments. La voirie ne représente que 15 % des utilisations et le génie civil, 10 %…

A la vue de l’ensemble des données disponibles, le BPE devrait donc finir l’année à – 10 %, soit une production de 36,3 Mm3, contre 39,8 Mm3 à fin 2019. De leur côté, les granulats limitent la casse à – 8 %, soit un niveau proche de 326 Mt, à comparer aux 343,9 Mt de 2019… Le chiffre des granulats doit encore être nuancé, car l’extraction pure (sans les granulats issus du recyclage) devrait atteindre son point bas historique, passant en dessous de la barre des 300 Mt, pour finir à 294 Mt.

Bis repetita à 36 Mm3 pour le BPE en 2021

Centrales à béton en bord d'eau.
Le BPE devrait finir l’année 2020 avec une production de 36,3 Mm3. [©ACPresse]

Et l’année 2021 dans tout cela ? L’Unicem ne voit pas de réelles améliorations dans les douze mois à venir. Au mieux, un encéphalogramme plat au niveau du BPE, soit un bis repetita à 36 Mm3. Et les + 3 à + 4 % des granulats, soit 338 Mt, ne devraient pas rendre heureux grand monde. Un avis partagé par l’ensemble de la profession. Interrogés par l’Unicem, les intéressés perçoivent une baisse d’activité pour 68 % d’entre eux. Contre 5 % d’optimistes, qui voient plutôt une hausse. Ceci, pour les six prochains mois. Un point positif tout de même dans ce tableau : les perspectives d’embauche devraient rester stables, pour 68 % des professionnels.

La crise sanitaire n’explique pas tout, puisque d’autres freins viennent obscurcir le tableau. « La crise sanitaire s’est transformée en crise économique et sociale », reprend Nicolas Vuillier. Si l’activité des chantiers reste pour le moment bien orientée (il faut bien finir ce qui a été commencé), les demandes de permis de construire fondent comme neige au soleil. Elles sont en recul de – 9 % sur les trois derniers mois. L’inquiétude des ménages et le durcissement de l’accès au crédit ne devraient pas changer la donne. Au 3e trimestre 2020, les réservations de logements neufs ont reculé de 16 % ! 

Utilisation BPE et Ganulats
[©Unicem]

« Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille »

Les travaux publics ne sont pas mieux orientés, ayant perdu 14 % de leur activité sur neuf mois. Une situation en partie liée au cycle électoral, avec l’arrivée tardive des nouvelles équipes municipales. Equipes qui se sont empressées de remettre en cause nombre de projets déjà votés. Résultat : une chute de 22 % de la commande publique. « Tout le monde attend des plans de relance Covid, avec des mises en œuvre rapides et ciblées par les collectivités locales », insiste Nicolas Vuillier. 

Et pour rajouter un peu de cacophonie, qui de mieux que Jacques Chirac, l’ancien président de la République, pour annoncer la couleur : « Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ». En effet, alors que la situation est difficile, le gouvernement actuel a choisi de changer les règles du jeu dans la future RE 2020. A la trappe l’Observatoire E+C, qui a permis d’analyser en détail plus de 1 000 chantiers. Un travail qui semble n’avoir servi à rien. 

Un véritable manque de concertation

A présent, c’est l’Analyse de cycle (ACV) dynamique simplifié qui va présider les choix constructifs pour les années qui viennent. « Une méthode qui s’affranchit de la rigueur scientifique de l’ACV classique », regrette Jean-Marc Golberg, président du Syndicat national du béton prêt à l’emploi (SNBPE). Et de poursuivre : « Elle fait disparaître 100 kg de CO2/m2 de bâtiment sur son cycle de vie, sans aucune modification des méthodes constructives. Cela ressemble beaucoup à du “Green Washing” »

C’est la porte ouverte à une importante distorsion de la concurrence entre matériaux à un moment où le secteur traverse une passe plus que difficile. « Nous partageons pleinement les objectifs de réduction de l’empreinte carbone de la construction, mais sûrement pas le chemin pour y arriver, conclut Jean-Marc Golberg. Aujourd’hui, la filière étudie toutes les solutions, y compris juridiques, pour sortir de cette impasse liée à une absence de concertation. L’introduction de l’ACV dynamique simplifié est un biais idéologique, sans rationalité. »

Frédéric Gluzicki