Tramway d’Angers : Les invisibles bétons d’aménagement

Frédéric Gluzicki
09/07/2022
Modifié le 06/09/2022 à 17:57

La construction de ligne B du tramway d’Angers fait largement appel aux bétons. Ceux-ci restent toutefois invisibles dans cet aménagement urbain d’un développé de près de 10 km.

Article paru dans le n° 101 de Béton[s] le Magazine

Franchissement de la voie ferrée sur le nouveau pont sur la Maine. [©ACPresse]
Franchissement de la voie ferrée sur le nouveau pont sur la Maine. [©ACPresse]

Les mauvaises langues pourraient dire que les plus beaux bétons sont ceux que l’on ne voit pas ! D’un autre côté, au démarrage de son histoire, ce matériau restait souvent invisible. A la vérité, peu de gens savent, par exemple, que l’ensemble de la structure porteuse du théâtre des Champs-Elysées, à Paris, est en béton… Tant les ors et les marbres qui l’habillent cachent sa véritable nature. Pour la construction de la seconde ligne de tramway d’Angers, l’approche est assez comparable. Point d’or, ni de marbre, mais une ossature en béton tout à fait imperceptible, enfouie pour l’essentiel sous des tapis de verdure. Seuls, les rails métalliques laissent deviner la présence de cette infrastructure souterraine. Ce qui montre bien que l’aménagement d’espaces publics prend bien des formes.

La nouvelle ligne B a pour terminus la station Belle-Beille, du côté Ouest d’Angers. Mais une fois la Maine franchie, via un pont métallique érigé pour l’occasion, elle emprunte l’actuel tracé de la ligne A. Celle-ci avait été dévoyée en 2019 sur ce nouvel itinéraire traversant le centre-ville. Ensuite, la ligne B poursuit son parcours, sur un tronçon neuf, en direction du Nord-Est, vers la station Monplaisir, qui constituera son autre terminus.

Deux lignes pour le prix d’une !

Cette jolie organisation cache une surprise ! En effet, en dévoyant la ligne A en centre-ville, Angers Loire Métropole, maître d’ouvrage de l’opération, a libéré un petit morceau de tracé, qu’il a pu affecter à une 3e ligne : la C… Cette dernière aura donc un parcours commun avec la ligne B sur le début de son trajet et avec la ligne A (en service depuis onze ans) sur la fin de son itinéraire. Et profite d’une section qui lui est propre en centre-ville. D’une certaine manière, Angers s’est offert deux nouvelles lignes de tramway pour le prix d’une !

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D’un développé de 9 900 m en voie double, la construction de la ligne B est dévolue à Colas Rail. Ce tracé comprend aussi 1 300 m de voies avec alimentation par le sol (APS) et 800 m de voies simples noyées au niveau du centre technique de transport (CTT). Ainsi que dix-neuf stations, dont deux existantes déplacées. « La fiche technique cette opération est plutôt riche, commente Jean-Michel Ricard, chef de projet Colas Rail – Agence Voie Ferrée Urbaine – Grands Projets. Au programme, quatre débranchements, dont un en APS, deux communications croisées, sept communications simples, dont une en APS. Mais aussi un branchement simple en ligne et neuf branchements simples au CTT. Sans compter la pose de quatre appareils de dilatation. »

Surtout, cette ligne B constitue un catalogue assez complet de systèmes de pose de voies. On en compte cinq : classique sur traverses, dalle flottante, sur augets, pose directe sur selles ancrées et voie noyée. Là, les bétons tiennent une place centrale.

Une pose sur augets

L’une ou l’autre technique est utilisée en fonction de la zone où elle est mise en œuvre : en courbe, en ligne droite, en secteur très urbanisé, moins densément peuplé, au niveau des croisements, des passages piétons… « Par exemple, la pose sur dalle flottante permet d’atténuer les vibrations liées aux passages des rames, car la voie est positionnée sur un tapis mousse. » Cette technique est tout à fait adaptée lorsque le tracé est très proche des habitations.

Une des solutions intéressantes qui a été retenue est celle de la pose sur augets. Technique que Colas Rail présente comme plus vertueuse. Déjà parce que ce type de poses utilise un principe de coffrages perdus, limitant d’autant le coulage du béton aux seules zones de calage des rails. En effet, l’auget peut être comparé à une sorte de berceau sur lequel viennent se positionner les rails. C’est un élément ajouré de 75 cm de large sur un peu plus de 1,50 m de long (correspondant à l’emprise de la voie ferrée).

L’essentiel du tracé de la ligne du tramway d’Angers est engazonné, occultant ainsi toute son infrastructure en béton. [©ACPresse]

Les augets sont des éléments préfabriqués en béton de 75 cm de large pour environ 1,50 m de long. [©ACPresse]

Un peu moins de la moitié du tracé est réalisé selon la technique de la pose de voies sur augets. [©ACPresse]

Zone du tracé avec alimentation électrique par le sol (APS). [©ACPresse]

Zone de communication simple entre voie. [©ACPresse]

De par sa conception, l’auget nécessite une moindre quantité de béton pour sa fabrication, générant ainsi une économie de matière. Et ce béton peut être bas carbone, jouant à plein la carte d’une meilleure prise en compte des aspects environnementaux dans la construction. La structure ajoutée de l’auget allège en même temps la structure de la voie ferrée dans son ensemble, tout en offrant une meilleure tenue du substrat végétal (celui-là même qui constitue le revêtement engazonné des voies). Pour la construction de la ligne B du tramway d’Angers, quelque 12 000 augets ont été posés, soit un peu moins de la moitié du développé du nouveau tracé.

Pas moins de 15 000 de traverses bi-blocs

L’autre élément permettant l’économie de matières premières est l’utilisation de traverses dites “bi-blocs”. Ces éléments préfabriqués utilisent un moindre volume de béton, car son emploi est limité aux zones de fixation des rails. La partie centrale de la traverse, elle, est en acier et non plus en béton. « Les traverses bi-blocs offrent l’avantage d’être plus légères, donc plus simples à poser, et de nécessiter moins de béton, ce qui permet de préserver les ressources. De plus, elles sont moins chères, ce qui n’est pas négligeable non plus », résume Jean-Michel Ricard. Sur le tracé, quelque 15 000 traverses de ce type ont été mises en œuvre…

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Au niveau des quantitatifs du chantier, les volumes de bétons coulés en place sont loin d’être négligeables. Leur utilisation intervient dans le calage des voies au niveau des augets, pour noyés les traverses et créer les dalles flottantes ou encore ancrées les selles supports de rail. Quelque 200 massifs destinés à fixer les mâts des caténaires sont aussi présents.

Un tracé très engazonné

A eux seuls, les trois bétons principaux (dits “n° 3” pour noyer les traverses, “n° 4” pour couler les massifs et “n° 5” pour caler les voies sur augets) représentent un volume cumulé de 21 000 m3. Dans le détail, cela donne 9 000 m3 de n° 3, près de 2 000 m3 pour le n° 4 et 10 000 m3 pour le n° 5.

Un nouveau pont a été construit pour permettre à la ligne de franchir la Maine. [©ACPresse]

Quelque 200 massifs servent de fixations aux mâts supportant de caténaires. [©ACPresse]

Zone traversée piétonne, en béton désactivé. [©ACPresse]

Les rares bétons visibles – ici, en version désactivée – sont esthétiques, localisés au niveau des croisements. [©ACPresse]

Les stations bénéficient d’un traitement minéral : ardoise pour habiller les voies et granite pour les quais. [©ACPresse]

« Ces importants volumes, dont les livraisons s’étalent dans le temps et sur toute la longueur du tracé nous ont poussés à faire appel à un GIE de producteurs de BPE, précise Jean-Michel Ricard. Ainsi, nous avons agréé six centrales à béton : une principale et une de secours pour chacun des trois fournisseurs. » Un passage obligé compte tenu du cahier des clauses techniques particulières du chantier concernant la formulation des bétons. Les fournisseurs s’appellent ici Anjou Béton, Béton Technique de la Loire (groupe Nivet) et Edycem.

Malgré ces volumes, le béton sera pour ainsi dire invisible sur le tracé de la ligne B, car engazonné sur l’essentiel de son parcours. C’est au niveau des croisements et des passages piétons qu’il reste apparent. Ceci, sous une forme désactivée. Les zones sont distinguées par un traitement de couleurs différencié. Enfin, au niveau des stations, on ne voit pas plus de béton, la métropole d’Angers ayant préféré l’ardoise pour habiller les voies et le granite pour les quais et comme marqueur de la limite de l’emprise du tracé.

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