En 2014, Philippe Tibère a pris tous les risques pour lancer Béton Solutions Mobiles (BSM). Une aventure exceptionnelle qui vient de s’achever avec la cession de l’entreprise au groupe Basaltes. Retour sur cette histoire avant tout humaine.
Article paru dans Béton[s] le Magazine n° 120

Vous avez créé il y a 11 ans Béton Solutions Mobiles. Entreprise cédée au groupe Basaltes en début d’année. Que retenez-vous de cette aventure ?
Ce fut d’abord une belle aventure humaine, avec ses joies, ses succès et ses déceptions, parfois… Pour moi, BSM a été synonyme d’un engagement sans faille, de gros succès techniques, de rivalités sans concessions et de beaucoup d’amusements. Mais avec toujours une démarche d’écoute des besoins du client et la volonté d’y apporter satisfaction.
Durant ces années, nous ne nous sommes pas rendu compte à quel point ce que nous avions accompli était unique. Et nous sommes fiers de savoir que personne ne saura reproduire cet exploit !
On peut être engagé corps et âme dans une telle aventure entrepreneuriale quand on sait être soutenu par sa famille, avec une confiance mutuelle, et que le quotidien est assuré… [Abonnes] L’autre facteur de réussite est une présence permanente de l’encadrement au niveau des chantiers et des unités de production. Une des clefs de la réussite passe par la proximité avec le terrain.
Quelle a été votre vision de départ ? Avez-vous réussi à maintenir ce cap ?
Etre à l’écoute du client et savoir proposer la bonne solution technique pour y répondre : c’est ce qui m’a guidé tout au long de cette entreprise. D’où le choix, par exemple, d’Europ’Equipement comme premier fournisseur de centrales à béton, car cet industriel a su construire des outils qui s’adaptent aux contraintes des clients.
Dans les faits, BSM a toujours répondu – et continue à le faire – avec des solutions spécifiques, complétées par des centrales fixes en appoint et en secours. Et les équipes s’intègrent de manière systématique à celle des chantiers. “Le bon béton, au bon endroit et à la bonne heure” constitue le leitmotiv du groupe. Nous avons su proposer une qualité de service qui n’avait jamais été proposée avant, avec une proximité exceptionnelle. BSM n’a jamais perdu cette vision initiale…

Et si c’était à refaire, que feriez-vous de manière différente ?
Déjà, je le referais sans aucune hésitation. J’ai connu plus de dix années fabuleuses ! Je conserverai la même stratégie de développement. Toutefois, j’appréhenderai les ressources humaines de façon différente, mais sans rien modifier à la confiance que je portais aux collaborateurs. Surtout, au quotidien, je resterai davantage présent aux côtés des opérationnels, afin de ne pas m’éloigner de l’ADN de BSM.
Comment le marché du BPE a-t-il évolué entre il y a 11 ans et aujourd’hui ?
Le marché du BPE se veut plus vert, moins émissif, plus acceptable et mieux accepté. Sachant que les solutions dites “bas carbone” existaient déjà dix ans en arrière.
Chez les nationaux, il y a eu aussi un essor de la centrale mobile, parfois proposée via des structures dédiées.
Et puis, on constate le développement de formulations s’appuyant sur la méthode performantielle. A son niveau, BSM teste en permanence nombre d’ajouts de substitution et autres ciments ternaires, de manière à préparer les bétons de demain.

Selon vous, quels sont les (nouvelles) attentes et les (nouveaux) besoins des entreprises, des utilisateurs de bétons prêts à l’emploi ? Y a-t-il des dérives ?
Le prix reste plus que jamais le premier sujet de préoccupation, parfois au détriment de la formulation commandée. Cela peut conduire à une certaine dérive au niveau de la qualité intrinsèque du béton. Pour garantir la durabilité des ouvrages, il est indispensable d’aborder les choses de manière professionnelle, avec les formulations de qualité, sur la base de matières premières tout aussi qualitatives.
Comment intègre-t-on en pratique les nouvelles tendances et exigences, tels la décarbonation, l’arrivée de nouveaux liants, l’usage de matériaux recyclés ?
En tout état de cause, il faut être au top et savoir se remettre en question. Faire des tests en permanence, avoir des formules bien calibrées sous le coude pour anticiper les demandes à venir. L’évolution de ces exigences pourrait s’accélérer si la norme, nécessaire, était plus pro-active ou, tout du moins, moins castratrice… Par exemple, on pourrait avoir un impact carbone beaucoup plus faible s’il y avait plus de liberté, de flexibilité en termes de formulations. En proposant des liants ternaires ou quaternaires recomposables directement au niveau de chaque unité de production. Ceci, en s’appuyant sur une étude poussée de type “Livret 2.21*”, mais moins contraignante que la méthode performantielle actuelle. Puis après validation, en pouvant dupliquer et intégrer les formulations au catalogue de chaque unité de production. Aujourd’hui, une telle démarche n’est hélas pas possible, même avec un contrôle de production renforcé.
Selon vous, quelles sont les prochaines évolutions en matière de bétons ?
Je vois bien l’arrivée de bétons avec ajouts spécifiques, avec beaucoup de constituants divers et variés, avec trois ou quatre liants différents… Mais toujours de qualité connue, régulière et contrôlée.

Qu’est-ce que cela signifie d’être entrepreneur dans le secteur du BPE ?
Des journées très longues. Etre à la barre en permanence et tenir le cap. Etre dans l’action/réaction. Etre multi-tâches. Mais surtout être passionné et proche des Femmes et des Hommes qui aiment ce métier. Etre entrepreneur dans le secteur du BPE reste une aventure humaine et de proximité.
Qu’est-ce qui vous a aidé à réussir ? Quels ont été les freins ? Comment tenir dans la durée ?
Le soutien familial et la passion constituent deux des vecteurs de cette réussite. Puis, l’engagement, à tous les niveaux, auprès des clients, avec les collaborateurs.
Les freins, eux, étaient plutôt à regarder du côté des financements. Entre Capex** et visions à court terme des investissements, le défi n’est jamais simple à relever.
Puis, pour tenir dans la durée, le soutien familial, encore une fois, est indispensable. Il faut aussi s’entourer de collaborateurs toujours meilleurs que soi.
Le dernier volet est celui du bien-être. Il est indispensable de prendre soin de soi, de son physique. Savoir garder une passion connexe et ne pas avoir en permanence la tête dans le guidon. L’entrepreneuriat, c’est comme courir un sprint au milieu d’un marathon…
Et l’après BSM, c’est quoi ?

Je ne sais pas encore, mais ce ne sera certainement pas le béton. Pour l’heure, je prends du recul sur cette belle aventure. Je profite du temps présent et peux enfin m’engager davantage dans le monde associatif, dont l’association qui me tient à cœur. “Moteurs de sourires” organise des évènements autour du sport automobile – ma grande passion – pour
des fonds au profit des enfants et de jeunes en situation de handicap.
Propos recueillis par Frédéric Gluzicki
*Livret de prescriptions SNCF traitant de l’exécution des ouvrages en béton armé et béton précontraint.
**Dépenses d’investissement d’une entreprise, comme des outils de production par exemple.
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