Niché au cœur de Beauvais, au pied de l'imposante cathédrale gothique Saint-Pierre, Le Quadrilatère est l’ultime chef-d’œuvre moderniste d’André Hermant, inauguré en 1976.
![Le béton brut s’articule autour de vastes galeries baignant dans un espace unifiant exposition et urbanité. De multiples fenêtres s’ouvrent sur la cathédrale, sur les remparts, sur les vestiges engloutis de l’histoire locale.
[©Jean Gourbeix]](https://www.acpresse.fr/wp-content/uploads/2025/09/7-Quadrilatere-Andre-Hermant.jpg)
La ville de Beauvais (60) a accueilli la Manufacture de tapisserie jusqu’à sa destruction durant la Seconde Guerre mondiale. Il faudra attendre les années 1990 pour que le Mobilier national réinstalle cet atelier de basse-lisse, à Beauvais. En attendant pour rendre hommage à ce patrimoine, André Malraux, ministre de la Culture dans les années 1960, lance la création de la Galerie nationale de la tapisserie. En 1969, le projet est confié à l’architecte André Hermant (1908-1978) et à son collaborateur Jean-Pierre Jouve. Elève d’Auguste Perret et spécialiste du béton armé, André Hermant met en œuvre une structure massive, aux volumes limpides et géométriquement rigoureux. Ici, le béton ne dissimule rien. Il matérialise la structure, affirmant la solidité et la clarté de la forme. Ce matériau brut s’articule autour de vastes galeries baignant dans un espace unifiant exposition et urbanité. De multiples fenêtres s’ouvrent sur la cathédrale, sur les remparts, sur les vestiges engloutis de l’histoire locale.
Un atlas à ciel ouvert
![Les lignes graphiques et épurées extérieures signées André Hermant constrastet avec les lignes tout e courbes de l'intérieur par Chatillon Architectes. [©Antoine Mercusot pour Chatillon Architectes]](https://www.acpresse.fr/wp-content/uploads/2025/09/6-BLM120-Le-Quadrilatere-Beauvais-2025-©-Antoine-Mercusot-pour-Chatillon-Architectes-1-1024x683.jpg)
Le béton émaillé et le verre dominent la structure, avec une toiture en cuivre et des façades horizontales, mettant en valeur la verticalité de la cathédrale attenante. Dernier projet de l’architecte français, d’origine Belge, André Hermant, le Quadrilatère est la synthèse parfaite de son œuvre. Il incarne la rencontre entre sa curiosité d’iconographe, sa méthode scientifique et sa vocation de bâtisseur. Conçu entre 1972 et 1976, l’édifice présente des lignes graphiques et épurées, et des volumes insoupçonnés. Le Quadrilatère est souvent décrit comme le “dernier livre de pierre ” d’André Hermant. Il réactive sa conception de l’image comme matière première de la pensée architecturale, chère à ses ouvrages “Formes Utiles” (1959) et “Croissance et topologie” (1971). Les galeries deviennent des pages de ce livre spatial où se jouent les regards et les correspondances entre éléments construits et formes naturelles, un espace pensé comme un atlas à ciel ouvert.
![André Hermant est l’architecte de la Galerie nationale de la tapisserie inaugurée en 1976. Futur Quadrilatère. [©Quadrilatère]](https://www.acpresse.fr/wp-content/uploads/2025/09/Quadrilatere-Andre-Hermant.jpg)
Dans “Formes Utiles”, André Hermant propose une redéfinition de la modernité architecturale. Rejetant une esthétique industrielle superficielle, il revient à une théorie fondée sur la structure, la fonction et une beauté sensible. A travers un corpus iconographique foisonnant – photographies et dessins mêlés – il interroge les résonances entre objets, paysages, architectures, et éléments naturels. Pour lui, il n’existe pas de distinction stricte entre pylônes, bateaux, feuilles ou architectures : tous participent d’un même équilibre formel. Cette démarche visuelle imprègne le Quadrilatère, où chaque alignement, chaque fenêtre, chaque volume résonne avec cette idée de formes durables, utiles et belles. Issu de trois décennies de recherches, “Croissance et topologie” explore les liens entre mathématiques, botanique et architecture. André Hermant démontre comment la Suite de Fibonacci ou le Nombre d’Or organisent la croissance des plantes et par extension, peuvent fonder des principes de composition architecturale. Son ouvrage déploie un système fascinant de superposition de schémas géométriques sur des photographies végétales, alliant rigueur théorique et poésie visuelle.
Un manifeste de modernité éclairée
![Ici, le béton ne dissimule rien. Il matérialise la structure, affirmant la solidité et la clarté de la forme. [©Laurent Kronental pour le Quadrilatère]](https://www.acpresse.fr/wp-content/uploads/2025/09/3-BLM120-Le-Quadrilatere-Beauvais-2020-c-Laurent-Kronental-pour-le-Quadrilatere-5-1024x683.jpg)
Ce métissage trouve un prolongement dans la composition du Quadrilatère. Le bâtiment apparaît comme une cristallisation de formes organiques et mathématiques : volumes, proportions, enchaînements d’espaces évoquent des rythmes naturels ordonnés, perceptibles dans la modularité des galeries et la série d’ouvertures cadrant l’extérieur.
Le Quadrilatère est ainsi un manifeste de modernité éclairée : un édifice-thèse qui donne à voir, éduquer et émouvoir, en faisant du béton le support d’un catalogue des formes universelles.
![Les lignes graphiques et épurées extérieures signées André Hermant constrastet avec les lignes tout e courbes de l'intérieur par Chatillon Architectes. [©Antoine Mercusot pour Chatillon Architectes]](https://www.acpresse.fr/wp-content/uploads/2025/09/5-BLM12-Le-Quadrilatere-Beauvais-2025-©-Antoine-Mercusot-pour-Chatillon-Architectes-5-1024x683.jpg)
En devenant la propriété de la Ville de Beauvais en 2013, son projet artistique et culturel évolue vers une programmation ouverte à l’ensemble des arts visuels et le lieu est rebaptisé “Le Quadrilatère ”. Centre d’art unique au cœur des Hauts-de-France, il a rouvert ses portes le 5 avril dernier, après deux ans de travaux d’ampleur signés par Chatillon Architectes, également à l’œuvre sur des projets majeurs, tels que les rénovations récentes du Grand Palais ou du Musée Carnavalet. Cette réouverture s’inscrit dans une année exceptionnelle pour la Ville, marquée par les 800 ans de la cathédrale Saint-Pierre et la revalorisation du quartier épiscopal. Sous la direction artistique de Lucy Hofbauer, le Centre d’art renaît… d’une “rupture en osmose”. Et Lucy Hofbauer d’insister sur le contraste entre les matériaux courbes contemporains de Chatillon (escalier, mobilier) et les lignes orthogonales d’André Hermant.
Un grand merci à Lucy Hofbauer, directrice artistique du Quadrilatère et commissaire d’expositions, pour son aide et son regard inspiré sur le bâtiment d’André Hermant et la réhabilitation par Chatillon Architectes.
Retrouvez au Quadrilatère, l’exposition sur “André Hermant, architecte iconographe”, dont Lucy Hofbaueur est la co-commissaire avec Anne Fremy, jusqu’au 8 mars 2026.