Le Corbusier en Gironde : Œuvres de jeunesse

Muriel Carbonnet
28/02/2024
Modifié le 01/03/2024 à 10:59

Le département de la Gironde abrite trois constructions de Le Corbusier, alors jeune architecte, à Podensac, Lège-Cap-Ferret et Pessac.

Une salle vitrée donnant sur l’horizon se trouve au sommet du château d'eau de Podensac. [©Le Groupe des Cinq]
Une salle vitrée donnant sur l’horizon se trouve au sommet du château d’eau de Podensac. [©Le Groupe des Cinq]

En 1917, Le Corbusier découvre le bassin d’Arcachon par l’intermédiaire du peintre Amédée Ozenfant. A partir de 1926, il se rend régulièrement au village de Piquey (Cap-Ferret). Le lieu devient une source d’inspiration. C’est ainsi que le département de la Gironde abrite trois constructions de Le Corbusier, alors jeune architecte, à Podensac, Lège-Cap-Ferret et Pessac.

Edouard Jeanneret, dit “Le Corbusier” planche en tant qu’ingénieur-conseil depuis qu’il s’est installé à Paris. Mais il peine à concrétiser les projets. Un homme, François Thévenot, va lui faire confiance et lui offrir en 1917 l’opportunité de réaliser sa première construction dans l’Hexagone.

Si le château d’eau de Podensac peut passer aujourd’hui inaperçu. Il était alors, avec la demeure de François Thévenot, l’édifice le plus élevé de la commune et des alentours. Dominant la Garonne, ainsi que les paysages boisés ou couverts de vignobles.

La première œuvre en béton armé de Le Corbusier est en Gironde

François Thévenot va faire confiance à Le Corbusier et lui offrir en 1917 l’opportunité de réaliser sa première construction dans l’Hexagone. [©Le Groupe des Cinq]
François Thévenot va faire confiance à Le Corbusier et lui offrir en 1917 l’opportunité de réaliser sa première construction dans l’Hexagone : le château de Podensac. [©Le Groupe des Cinq]

L’édifice devait permettre d’alimenter en eau le château et le parc du domaine de Chavat nouvellement aménagé. Si son aspect général demeure plutôt classique, il se distingue par la modernité de son matériau de construction : le béton armé. Une salle vitrée donnant sur l’horizon se trouve en son sommet. Treize ans après sa construction, le château d’eau est racheté par le Syndicat des eaux de la commune de Podensac. Dans les années 1940, le syndicat désaffecte la cuve de l’ouvrage et fait construire un nouveau château d’eau. Avec une capacité plus importante, à proximité de celui de Le Corbusier.

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Le château d’eau est alors laissé à l’abandon. Mais en 1987, une association d’architectes bordelais, le Groupe des Cinq, rachète l’édifice pour un franc symbolique. Débute alors un bail emphytéotique de 99 ans. Depuis, l’association veille à la mise en valeur et à la protection du bâtiment classé Monument historique, en 2006. Cet édifice a nécessité d’importants travaux de restauration en 2023. Ceux-ci permettront au Groupe des Cinq d’exploiter le bâtiment à des fins culturelles et patrimoniales.

Les cités ouvrières de Le Corbusier

C'est la première et unique fois que Le Corbusier intègre la couleur sur une façade. [©Ville de Pessac – Dominique Le Lann - ADAGP/FLC]
C’est la première et unique fois que Le Corbusier intègre la couleur sur une façade. [©Ville de Pessac – Dominique Le Lann – ADAGP/FLC]

Mais Le Corbusier, une fois lancé, ne s’arrêta pas là. Azur rappelant le ciel, vert tendre se fondant dans la végétation, blanc éclatant renvoyant la lumière. C’est la première et unique fois que Le Corbusier intègre la couleur sur une façade. C’est dans un quartier pas tout à fait comme les autres, les façades polychromes émergent au milieu des frondaisons et des haies fleuries. Laissant entrevoir les silhouettes épurées d’une cinquantaine de maisons aux formes géométriques. Le Corbusier débute déjà par deux-trois maisons expérimentales à Lège – Cap Ferret. Mais c’est à quelques encâblures du centre de Pessac, dans la banlieue bordelaise, qu’il donne vie à son premier vrai projet urbain à grande échelle. Le projet initial prévoyait la construction de 127 maisons individuelles, des commerces, un fronton de pelote basque… Avec des aspects totalement révolutionnaires pour l’époque. A savoir, l’existence d’un “plan d’urbanisme” et une double réflexion sur le “vivre ensemble” et “l’habitat individuel”.

La cité Frugès, une première expérimentation de Le Corbusier

En 1973, la rénovation complète d’une habitation, classée au titre des Monuments historiques en 1980, marque le début d’un processus de restauration du quartier, toujours en cours. [©Ville de Pessac – Dominique Le Lann - ADAGP/FLC]
En 1973, la rénovation complète d’une habitation, classée au titre des Monuments historiques en 1980, marque le début d’un processus de restauration du quartier, toujours en cours. [©Ville de Pessac – Dominique Le Lann – ADAGP/FLC]

C’est l’industriel sucrier Henri Frugès qui commande en 1924 à l’architecte et à son cousin Pierre Jeanneret, la construction d’un quartier d’habitations pour ses ouvriers.

Sensible à l’art et aux problématiques sociales de son époque, Henry Frugès s’intéresse de près aux théories architecturales alors développées par Le Corbusier. Les deux hommes se rencontrent à l’automne 1923, à Paris. Le projet initial comprend plus de 100 maisons, de la route d’Arcachon à la voie ferrée, avec une place centrale entourée de commerces avec logements à l’étage et un fronton de pelote.

Seules cinquante maisons ont été réalisées. Inspiré des cités-jardins anglaises, le lotissement comporte des éléments de construction standardisés (ossature en béton armé, poutrelles préfabriquées en béton pour les planchers, fenêtres en longueur). Qui permettent une grande diversité architecturale et plastique. Afin de favoriser une construction en série, l’architecte recourt au principe du module. Soit des modules simples de 5 x 5 m subdivisés en demi-modules de 2,50 m x 2,50 m. Les maisons sont construites selon plusieurs modèles : zig-zag, quinconce, gratte-ciel, arcade…. De plus, elles sont pourvues d’un certain confort plutôt rare à l’époque dans les habitations destinées aux ouvriers. Par exemple, des toilettes sont installés à l’intérieur et cela à une époque marquée par des préoccupations hygiéniste.

Retour à la version corbuséenne

C’est l’industriel sucrier Henri Frugès qui commande en 1924 à l’architecte et à son cousin Pierre Jeanneret, la construction d’un quartier d’habitations pour ses ouvriers.  Ce sera la cité Frugès. [©Ville de Pessac – Dominique Le Lann - ADAGP/FLC]
C’est l’industriel sucrier Henri Frugès qui commande en 1924 à l’architecte et à son cousin Pierre Jeanneret, la construction d’un quartier d’habitations pour ses ouvriers. Ce sera la cité Frugès. [©Ville de Pessac – Dominique Le Lann – ADAGP/FLC]

Depuis l’été 2016, avec 16 autres sites conçus par l’architecte, la Cité Frugès-Le Corbusier est inscrite sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco. Ceci, au titre de l’œuvre architecturale de Le Corbusier.

Par leur côté novateur aussi bien d’un point de vue technique qu’esthétique, les créations de Le Corbusier ont été exposées à de nombreuses critiques.

En effet, au fil des années, que ce soit à Lège-Cap-Ferret ou à Pessac, certaines constructions ont été transformées s’éloignant de fait du style initial instauré par l’architecte. Aujourd’hui, la plupart d’entre elles ont retrouvé leur aspect originel. Les propriétaires transforment peu à peu leur logis. En 1973, la rénovation complète d’une habitation, classée au titre des Monuments historiques en 1980, marque le début d’un processus de restauration du quartier, toujours en cours.

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