Fabrication additive : Une technologie en cours de démocratisation

Rédaction
28/05/2021
Modifié le 13/02/2023 à 14:20

De nombreux acteurs accompagnent de près l’avènement de la fabrication additive ou impression 3D. Ce qui fait de la discipline un moyen constructif d’avenir où le matériau a toute son importance…

Article paru dans le n° 94 de Béton[s] le Magazine

L’’impression 3D béton s’inscrit dans la stratégie bas carbone en France. [©Vicat]
L’’impression 3D béton s’inscrit dans la stratégie bas carbone en France. [©Vicat]

Dans la trilogie “Retour vers le futur”, sortie dès 1985, le réalisateur Robert Zemeckis nous fait voyager dans le temps. A bord d’une DeLorean DMC-12 quelque peu modifiée, Marty McFly et le docteur Emmett Brown explorent le passé, mais aussi le futur. Dans le deuxième opus, les protagonistes se retrouvent en 2015. Ici, les voitures volent et les pizzas sont prêtes en 2 s ! Tous les codes de la science-fiction dépeignant le futur sont réunis. Si la domotique et la notion de “maison connectée” y sont perçues, les bâtiments et leur architecture ne semblent pas trop avoir bougé.

Pourtant, dans la vraie vie, si nos déplacements ne se font pas encore par lévitation, le monde de la construction a bien évolué. Parmi les innovations, la fabrication additive ou impression 3D béton fait de plus en plus parler d’elle. Notre n° 91 lui était consacré. En effet, la discipline ouvre une multitude de problématiques que les industriels, selon leurs expertises, tentent d’élucider. D’un point de vue matériau et matériel, la technologie demande un savoir-faire particulier : l’encre minérale, l’imprimante et les logiciels sont trois composantes d’un tout. 

Un trio gagnant

La majorité des technologies actuelles utilisent le principe de la dépose d’un cordon de béton en couche par couche. Le matériau mis en œuvre doit donc tenir en place pour supporter son propre poids et être assez fluide pour que les couches adhèrent entre elles. La matière doit aussi répondre aux besoins classiques de durabilité, de performances… De plus en plus d’industriels proposent des gammes dédiées à la fabrication additive, à l’image de Cemex, Ciments Calcia ou encore Vicat. Du côté de l’imprimante, plusieurs “camps” s’affrontent. Il y a ceux qui s’ancrent dans la lignée de la construction hors site.

Ainsi, l’outil est installé en usine où elle imprime des éléments à emporter. C’est le cas d’industriels comme Soliquid et XtreeE. D’autres ont misé sur des imprimantes nomades qui se déploient sur chantier. La start-up Valenciennes Construction 3D ou Cobod s’inscrivent dans cette mouvance. Quelle que soit la technique adoptée, la buse et le dispositif d’extrusion sont des points sensibles. Enfin, les différents logiciels de pilotage et de modélisation, qui peuvent être imaginés par le fabricant de l’imprimante ou par un éditeur indépendant, permettent de faire la traduction numérique de la volonté architecturale.

Une transition environnementale et numérique

Plusieurs enjeux entourent la fabrication additive. La dimension environnementale intervient naturellement. Au cœur de la future RE 2020, la transition écologique de la construction fait partie de la stratégie bas carbone de la France. Les acteurs de l’impression 3D béton mettent en avant les avantages de leur discipline dans ce domaine. A savoir, l’optimisation des matières premières, la construction hors site et l’utilisation du bon matériau au bon endroit.

L’impression 3D est aussi une résultante de la transition numérique de la construction. Cemex l’englobe ainsi dans ce qu’il appelle la « fabrication digitale ». Cette dernière peut répondre aux problématiques de pénibilité sur chantier avec moins de compagnons nécessaires in situ. Et en même temps, à la résolution de défis techniques dans la construction, que ce soit dans les formes architecturales ou dans la rapidité de conception. Reste à résoudre quelques freins : le coût, la réglementation ou encore la formulation vue sous le prisme de l’économie circulaire. Il reste encore de grandes avancées à accomplir avant d’atteindre une démocratisation de la fabrication additive.

Korodur : « Une nouvelle liberté d’écriture »

Créé en 1936, le groupe familial allemand Korodur fabrique et commercialise des solutions minérales pour sols industriels. A l’entrée de son siège, le nom Korodur s’inscrit en lettres géantes, imprimées en 3D ! En effet, depuis plus de 10 ans, l’industriel s’est lancé dans l’aventure de la fabrication additive. « En 2012, un de nos partenaires néerlandais nous a présenté Berry Hendriks, raconte Nikola Heckmann, présidente de Korodur. A ce moment-là, il lançait sa start-up Cybe et avait pour ambition de révolutionner la construction avec l’impression 3D. A l’époque, c’était fou, mais nous avons décidé de travailler ensemble en nous occupant de la partie matériau. »

Avec son expertise dans la conception de mortiers, Korodur a pris le temps de trouver la bonne formulation. Le tout en utilisant un ciment à impact carbone réduit. « Le mortier à imprimer doit être à prise rapide, ne pas se déformer sous son poids et chaque couche doit adhérer sur la précédente. De plus, le matériau doit s’adapter à l’imprimante et au logiciel. Les trois fonctionnent ensemble. Après plusieurs mois de recherche, nous avons réalisé avec Cybe notre premier objet : un banc. »

Korodur s’est associé à Cybe pour développer la fabrication additive.  [©Korodur]
Korodur s’est associé à Cybe pour développer la fabrication additive. [©Korodur]

Depuis, Korodur et son partenaire se sont lancés dans des projets à l’international. A Dubaï, ils ont réalisé un bâtiment dédié aux drones qui surveillent les pipelines. Au Japon, ce sont des toilettes publiques… Il y a aussi l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande et la France, avec une maison en Normandie. « L’impression 3D est intéressante et doit avoir sa place dans l’évolution de la construction. Elle donne une nouvelle liberté d’écriture pour les architectes et les designers. Mais répond aussi à des défis techniques pour la préfabrication, par exemple. » 

Lycée Louis Loucheur : L’impression 3D dès le plus jeune âge

Dans le cadre du programme “Espace d’innovation partagée”, le lycée professionnel Louis Loucheur, à Roubaix (59), a reçu une dotation de la Région Hauts-de-France. Une manne qui a permis à l’établissement de mettre en place une nouvelle matière à son cursus “gros œuvre” : l’impression 3D. « Nous avons acquis une Mini Printer de Construction 3D, explique Régis Schefller, enseignant au sein du lycée. Nous avons bénéficié d’une formation pour pouvoir être autonomes. » Aujourd’hui, le lycée travaille avec des mortiers de Parexlanko dédiés à l’impression. « Les élèves sont très curieux de ce que l’on peut faire avec. Nous espérons que cela représentera un atout pour promouvoir les formations dans le bâtiment et de montrer une autre facette de nos métiers. »

A Roubaix, le lycée Louis Loucheur vient d’intégrer l’impression 3D béton dans son cursus de formation. [©Lycée Louis Loucheur]
A Roubaix, le lycée Louis Loucheur vient d’intégrer l’impression 3D béton dans son cursus de formation. [©Lycée Louis Loucheur]

Saint-Gobain : Voici les clefs

Fin avril 2020, Saint-Gobain a remis les clefs à d’heureux résidents d’une maison un peu particulière. A Eindhoven, aux Pays-Bas, ce bâtiment de 94 m2a été entièrement réalisé en impression 3D. Pour rappel, Saint-Gobain Weber Beamix conçoit des mortiers spéciaux pour cette application. Ici, 24 éléments en béton ont été préfabriqués, avant d’être acheminés in situ. Cette maison est la première du programme Milestone, qui en comptera 5 au total. Chaque nouvel habitat sera optimisé grâce aux enseignements tirés des précédentes mises en œuvre. 

Aux Pays-Bas, Saint-Gobain a livré sa première maison imprimée en 3D béton. [©Saint-Gobain]
Aux Pays-Bas, Saint-Gobain a livré sa première maison imprimée en 3D béton. [©Saint-Gobain]

Sivagami Casimir

Retrouvez l’ensemble du dossier : Que seront les bétons de demain ?

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