Eiffage Route teste un liant à base de coquilles Saint-Jacques

Arnaud Le Brun
28/04/2025
Modifié le 28/04/2025 à 15:28

Pour réaliser une chaussée sur le site de Monthyon Enrobés, Eiffage Route teste un liant hydraulique routier bas carbone à base de coquilles Saint-Jacques broyées.

Mené sur le site de Monthyon Enrobés, le chantier expérimental a nécessité l’utilisation de 10 t de LHR bas carbone. [©ACPresse]
Mené sur le site de Monthyon Enrobés, le chantier expérimental a nécessité l’utilisation de 10 t de LHR bas carbone. [©ACPresse]

Non, un des itinéraires conduisant à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne, ne passe pas par Monthyon, en Seine-et-Marne. Et pourtant, pas mal de choses semblent réunies ici. En effet, c’est à cet endroit précis qu’a eu lieu la phase finale du projet Libarot. Lancé en 2023, ce programme vise à développer un liant hydraulique routier à empreinte carbone réduite. Une solution innovante qui intègre de la poudre de coquilles Saint-Jacques ! Appelé LHR bas carbone ou liant Libarot, ce matériau a été conçu par Builders Ecole d’ingénieurs, en partenariat avec la direction technique, recherche et innovation d’Eiffage Route. Mis en œuvre pour la toute première fois, dans un cadre d’expérimentation, il a été utilisé pour retraiter en place une chaussée de 200 m de long et de 5 m de large

Une formulation à base de coquilles Saint-Jacques

Le LHR bas carbone est formulé sur la base d’un ciment CEM II, de laitier de hauts fourneaux et de poudre de coquilles Saint-Jacques. [©ACPresse]
Le LHR bas carbone est formulé sur la base d’un ciment CEM II, de laitier de hauts fourneaux et de poudre de coquilles Saint-Jacques. [©ACPresse]

Breveté en novembre 2024, ce LHR bas carbone intègre dans sa formulation un ciment CEM II et du laitier de hauts fourneaux. Mais surtout des coquilles Saint-Jacques, broyées finement. « Cette solution conserve les mêmes performances qu’un liant hydraulique routier traditionnel, précise Hervé Dumont directeur des procédés spéciaux chez Eiffage Route. Un produit innovant qui est composé de 80 % de co-produits et de matériaux recyclés, dont 40 % de coquilles Saint-Jacques broyées. Utilisé pour le retraitement des assises de chaussée, le LHR Libarot limite, de manière drastique, l’usage des ressources primaires. Il présente une empreinte carbone quatre fois inférieure en comparaison à un ciment de type CEM I. »

La coquille Saint-Jacques, un choix évident

Le LHR bas carbone est épandu sur le sol existant à stabiliser. [©ACPresse]
Le LHR bas carbone est épandu sur le sol existant à stabiliser. [©ACPresse]

Fournie par CSBT Environnement, à Bayeux (14), la poudre de coquilles Saint-Jacques est issue de déchets coquillers collectés sur le littoral normand. Aujourd’hui, utilisées dans la formulation du LHR bas carbone, ces coquilles étaient jusqu’à présent mises en décharge. Cela représente des dizaines de milliers de tonnes de matériaux qui ne sont pas réutilisés.

« Nous leur redonnons une seconde vie, déclare Nassim Sebaibi, responsable de l’unité de recherche de Builders Ecole d’ingénieurs. Surtout que leur évacuation en décharge le long des côtes représente un coût conséquent pour les pêcheurs. Avec ce projet, nous avons mis en place un mode de valorisation des co-produits coquillers. Ceci, afin de substituer une grande partie du clinker, très émetteur en CO2, par ce matériau biosourcé. D’ailleurs, nous avons étudié plusieurs types de coquillages comme les huîtres. Mais les résultats obtenus dans la formulation de LHR n’étaient pas à la hauteur de nos attentes. Tandis que la poudre de coquilles Saint-Jacques a montré les meilleures performances, en termes de résistance, de durabilité. Mais aussi de facilité de mise en œuvre. Elle cochait toutes les cases pour une utilisation routière. »

Mise en œuvre du LHR bas carbone

L’Arc 600 d’Eiffage Route assure le mélange du sol en place, du LHR bas carbone et de l’eau. [©ACPresse]

Couche d’assise de la future chaussée avant et après traitement au LHR bas carbone. [©ACPresse]

Nivellement final de la couche d’assise traitée au LHR bas carbone. [©ACPresse]

A Monthyon, le chantier pilote a permis d’appliquer le LHR bas carbone dans conditions réelles. Pour assurer la mise en œuvre, la chaussée existante a été rabotée. Des granulats d’enrobés 100 % recyclés, issus d’anciennes chaussées, ont été concassés et remis en place sur 35 cm d’épaisseur. Sur cette couche, le LHR bas carbone a été épandu. Ensuite l’atelier de retraitement de chaussée Arc 600 d’Eiffage Route a assuré le malaxage in situ des matières premières. Une citerne d’alimentation en eau était reliée à la machine pour permettre l’hydratation des matériaux.

« En se mélangeant et en présence d’eau, ce liant va faire prise et lier les matériaux entre eux. Une couche d’assises de 35 cm va ainsi être formée, souligne Simon Platelle, responsable technique Ile-de-France d’Eiffage Route. Une fois le traitement réalisé, un produit de cure est mis en œuvre avant l’application des enrobés bitumineux finaux.  Ceux-ci sont d’ailleurs fabriqués à quelques mètres du chantier test, au sein notre centrale de Monthyon Enrobés. »

Des performances mécaniques similaires

La couche d’assise est prête à recevoir la nouvelle chaussée en enrobé. [©ACPresse]
La couche d’assise est prête à recevoir la nouvelle chaussée en enrobé. [©ACPresse]

Au total, le chantier a nécessité 10 t de ce liant innovant, fabriqué en Normandie par la société RSI-TP. Mais l’expérimentation ne s’arrête pas là. L’objectif est aussi de comparer le comportement du LHR bas carbone à celui d’un liant routier classique. Celui-ci comprend une plus forte teneur en clinker et plus faible proportion de laitier de hauts fourneaux. « La chaussée voisine a été réalisée un peu plus tôt avec un liant hydraulique routier standard. Et les premières observations sont encourageantes. Les deux chaussées présentent des performances mécaniques similaires. Et cela, même sous passage intensif de poids lourds. Nous effectuerons des tests de manière régulière pour vérifier l’état de la chaussée. Mais aussi si aucune fissure n’est constatée au fil du temps », conclut Simon Platelle.

Dans le cadre du Contrat de Plan Interrégional Vallée de la Seine, le projet Libarot est co-financé par l’Ademe Normandie et la Région Ile-de-France. Il s’achèvera à l’été 2025, après une analyse du cycle de vie du chantier et du liant hydraulique dans différentes applications.

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