EFB : « Le béton est loin d’avoir dit son dernier mot… »

Article paru dans le numéro 108 de Béton[s] le Magazine

Durant ces 18 derniers mois, il y a eu beaucoup de changements à la tête de l’EFB. Nouvelles personnes, nouvelles ambitions ?

Laure Regnaud : En effet, en plus de mon arrivée à la direction, il y a deux ans, plusieurs nominations clefs ont eu lieu ces derniers mois. A commencer par Jean-Michel Torrenti¹, nommé président du conseil d’administration fin 2022. Puis, Pascal Bodet², nommé en début d’année 2023, président du conseil scientifique de la Fondation.

Notre ambition est de continuer la mission principale de la Fondation. A savoir œuvrer au quotidien auprès des étudiants et des enseignants pour soutenir et valoriser toute démarche améliorant la connaissance et l’utilisation du béton. Cela, en mettant en avant le dynamisme de la filière face aux enjeux actuels.

Jean-Michel Torrenti : L’EFB est une fondation d’entreprises financée par les cimentiers français et gouvernée par les acteurs de la construction, de la recherche et de l’enseignement. Je suis très honoré de prendre la suite de Daniel Tardy. Le conseil d’administration de l’EFB est constitué d’une vingtaine de membres qui prennent les décisions de manière collégiale en ce qui concerne les principales actions entreprises par l’EFB.  

Pascal Bodet : Le conseil scientifique de l’EFB est constitué d’experts. Il a pour mission d’adapter de façon pédagogique les résultats scientifiques, ainsi que les évolutions règlementaires et normatives liées au béton. Membre du conseil en tant qu’expert structure depuis plusieurs années et très impliqué dans le milieu de l’enseignement supérieur, je suis très heureux de pouvoir apporter ma contribution en tant que président de ce conseil.  

Mais quelles sont les missions de l’Ecole française du béton ?

L. R. : Ses principales missions sont, tout d’abord, la promotion de l’ingénierie des bétons à travers la création de ressources pédagogiques mises en ligne sur notre plate-forme Internet³. Puis la mise en place de conférences de professionnels dans les établissements supérieurs et la valorisation des jeunes qui se tournent vers les métiers de la construction. Nous sommes dans une phase de redéploiement liée, d’une part, à la crise Covid qui a distendu les relations avec les écoles. Et d’autre part, à l’évolution importante de la filière béton face à la transition environnementale qui nécessite d’être relayée dans les enseignements.

J.-M. T. : D’autant plus que beaucoup de choses se passent et évoluent au niveau des bétons. Il a toujours été important de transférer le plus vite possible les résultats des recherches. Mais aujourd’hui, l’urgence climatique nous oblige à aller encore plus loin. La chose reste simple au niveau des écoles d’ingénieurs. En écoles d’architecture, c’est plus compliqué. Il y a beaucoup de dogmatisme. La filière pâtit de son image vis-à-vis du changement climatique. On ne peut que regretter que le béton soit un sujet si peu abordé, alors qu’il continue à être le matériau le plus utilisé pour la construction…

P. B. : En effet, le béton est parfois vu comme le matériau du temps d’avant. Nous pensons qu’il faut s’attacher à montrer tous les intérêts à associer les différents matériaux pour relever les nombreux défis sociétaux. A travers sa transformation engagée, le béton sera un de ces matériaux d’avenir. Il existe un vrai savoir-faire en France autour des bétons, sur lequel il faut compter et qu’il faut soutenir pour réduire leur impact carbone dans la construction.

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J.-M. T. : Nous avons tous passé le cap. Chacun sait qu’il y a des émissions de carbone et que la filière s’est mobilisée pour en abaisser les impacts. Les solutions sont connues, telle l’augmentation de la part de constituants autres que le clinker dans les ciments. Nous prêchons aussi la mixité pour exploiter au mieux les qualités de chaque matériau. Il faut arrêter les préjugés ! De même, l’impression 3D béton constitue une bonne piste et reste très attractive auprès des jeunes.

L’entrée en application de la RE 2020 amène-t-elle de nouveaux besoins en matière d’enseignement ?

L. R. : Au-delà de la RE 2020, c’est l’accélération de la transition environnementale qui introduit plusieurs nouveaux concepts dans la construction. Il est important que les futurs acteurs se les approprient via les enseignements.

D’ailleurs, l’EFB a développé un parcours de formation gratuit en ligne sur l’analyse du cycle de vie multi-critères et multi-échelles : l’ACV Digital Learning. Cette formation est construite en partenariat avec la chaire Ingénierie des bétons de l’ESTP⁴. Elle permet d’avoir une compréhension du sujet à l’échelle de l’élément et de l’ouvrage. Toutes les ressources du parcours sont libres de droits d’utilisation dans les enseignements.

J.-M. T. : L’arrivée de la RE 2020 a modifié beaucoup de choses. Même les membres du conseil scientifique ont dû s’approprier ces nouvelles données pour pouvoir les transmettre aux enseignants. Ces derniers sont, pour beaucoup, curieux. Mais certains ont besoin qu’on leur apporte de l’information sur l’évolution des connaissances, des techniques, des normes… 

Où en est l’enseignement du béton en lycées techniques, dans les universités, les écoles d’ingénierie, d’architecture ?

L. R. : Notre rôle n’est pas de nous substituer aux enseignants, mais de leur apporter les ressources et le soutien, dont ils peuvent avoir besoin. Comme la modernisation des travaux pratiques liés au matériau béton dans les lycées technologiques. Ou encore, le soutien à la mise en place d’une imprimante 3D béton au lycée Eugène Livet de Nantes.

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En enseignement supérieur, la demande porte davantage sur des ressources en ligne liées aux évolutions réglementaires et aux innovations. Mais aussi sur des conférences de professionnels, des visites de chantiers ou d’unités de production. Pour cet aspect, nous travaillons en étroite collaboration avec la filière béton et les délégués régionaux du SNBPE⁵.

J.-M. T. : L’ingénierie des bétons est souvent vue comme “low tech”. D’autant que le béton véhicule une image binaire et antinomique. Pérenne quand on dit “c’est béton !” et néfaste dès lors que l’on parle de “bétonisation”. In fine, il faut mieux montrer que le béton est surtout un matériau “high tech”. Opposer les filières des différents matériaux ne sert pas à grand-chose.

L. R. : En écoles d’architecture, les choses sont beaucoup plus complexes, car il est nécessaire de briser les préjugés et les réticences. Sans compter que nous n’avons que très peu d’occasions d’y intervenir actuellement. Toutefois, nous avons à cœur de renouer un dialogue avec les futurs architectes, à travers la mise en avant des sujets liés à l’environnement. A l’image de la décarbonation de la construction en béton, du recyclage du béton, des nouveaux bétons bas carbone…

Et le futur ?

P. B. : Nous avons trois principaux axes à développer avec le conseil scientifique. Tout d’abord, les évolutions réglementaires et normatives, avec la publication récente de la nouvelle version de NF EN 206 et la révision des Eurocodes qui est à venir. Ensuite, la transition écologique avec la décarbonation de la filière et l’économie circulaire. Enfin, l’innovation technologique à travers l’impression 3D béton et la mixité des matériaux. Sans oublier quelques fondamentaux, comme la mise en œuvre et la formulation des bétons, qui sont des bases trop souvent oubliées et qu’il est bon de rappeler.

L.R. :  Nous travaillons à la modernisation de la plate-forme de ressources EFB, qui devrait être opérationnelle dès cette rentrée 2023. D’autre part, nous avons pour projet, à moyen terme, de mettre en place une plate-forme de formation en ligne gratuite. Enfin, nous réfléchissons à un projet de valorisation des fruits de la R&D sur le béton.

J.-M. T. : La recherche autour des bétons reste très active en France. Et la RE 2020 pousse encore plus dans ce sens, surtout avec une taxe carbone à près de 90 €/t ! Le béton est donc loin d’avoir dit son dernier mot…

¹Chercheur à l’université Gustave Eiffel et professeur ENS.
²Directeur technique EGF-BTP et professeur au Chebap et à l’ESITC Paris.
³www.efbeton.com.
⁴Ecole spéciale des travaux publics.
⁵Syndicat national du béton prêt à l’emploi.

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Article paru dans le numéro 108 de Béton[s] le Magazine