Alors que l’Art déco fête ses 100 ans à travers des expositions partout en France, nous vous proposons une petite balade à travers quelques lieux emblématiques.

Cette année, l’Art déco fête ses 100 ans ! Synonyme d’élégance et de préciosité, il est d’abord un style propre aux années 1910-1920. Ce mouvement décoratif et artistique est une réponse aux excès ornementaux, aux courbes et arabesques de l’Art nouveau. Il émerge véritablement après la Première Guerre mondiale, période marquée par un profond désir de renouveau et de beauté. Le nom “Art déco” provient de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925. Qui consacre ce style au niveau mondial.
En réaction à l’Art nouveau
Ce mouvement se distingue par ses lignes épurées, ses formes géométriques et ses matériaux moderne. Comme le béton armé, l’aluminium ou l’acier. Il s’exprime dans divers domaines : architecture, design, mode, joaillerie et arts graphiques. Dans l’architecture, l’Art déco se déploie par des volumes monumentaux et rationnels, des façades rythmées, ornementées de mosaïques, bas-reliefs ou ferronneries.
Ce style reflète réellement l’esprit des Années folles, une époque de prospérité et de créativité. Le déclin de l’Art déco s’amorcera pendant la Grande Dépression. Il sera supplanté par le mouvement moderne sous l’influence du Bauhaus, une école d’architecture et d’arts appliqués. Fondée en 1919 à Weimar (Allemagne) par Walter Gropius. Puis, par le style international, dont l’architecture domine une grande partie des Trente Glorieuses. Et avec une production à moindre coût répondant aux besoins industriels. Aujourd’hui, l’Art déco est célébré pour sa capacité à allier esthétique et fonctionnalité. Marquant durablement l’histoire de l’art et de l’architecture du XXe siècle.
Il incarne un idéal de raffinement et d’élégance, se manifestant dans des bâtiments emblématiques. Dont nous vous proposons une petite liste non-exhaustive.
Le Temple de la presse de Toulouse

Au cœur de Toulouse se dresse le Temple de la Presse, un emblème de l’architecture Art déco. Construit en 1926 par Léon Jaussely, le siège du journal La Dépêche du Midi se distingue par sa façade spectaculaire ornée de mosaïques colorées réalisées par Gentil et Bourdet. Inspirée de la mythologie gréco-romaine, la figure féminine centrale incarne la connaissance et l’information. Tout en offrant un contraste saisissant avec les façades haussmanniennes environnantes. Ses lignes épurées, ses ouvertures géométriques et ses teintes éclatantes témoignent de l’audace stylistique de l’époque. Transformé tour à tour en salle d’exposition, agence de voyage ou studio radio, le Temple de la Presse reste un lieu incontournable pour comprendre l’Art déco méridional.
La piscine municipale de Roubaix

Commandée en 1922 par le maire de Roubaix, Jean-Baptiste Lebas, la piscine municipale, conçue par l’architecte Albert Baert, incarne parfaitement l’architecture Art déco. Seul mot d’ordre du maire : concevoir la plus belle piscine de France ! Il faudra dix ans pour mener à bien le projet. Inauguré en 1932, cet établissement répond à une volonté sociale, visant à améliorer les conditions de vie des classes ouvrières. Cette piscine offrait aux habitants une somptueuse aire de baignade couverte et était le seul ouvrage olympique de la région. Une première pour l’époque ! Le tout, éclairé par des vitraux polychromes et des mosaïques, offrant un cadre de bien-être inédit. Fermée en 1985, la piscine devient en 2001 La Piscine – Musée d’art et d’industrie André Diligent, préservant ainsi l’héritage de ce lieu emblématique. Alliant luxe et mixité sociale au cœur de Roubaix.
Le Museé de la mer de Biarritz

En 1922, la municipalité de Biarritz décide d’ériger un Musée de la mer sur l’esplanade de la digue du Rocher de la Vierge. Sous l’impulsion d’André Giret, administrateur de l’Inscription Maritime, la première pierre est posée en 1925. Conçu par les architectes Hiriart, Lafaye et Lacoureyre, le projet voit le jour face à l’océan, harmonieusement intégré à la falaise. Un chantier colossal qui a nécessité des blocs artificiels de 15 à 20 m². Le musée abrite un aquarium marin et des galeries riches en collections d’histoire naturelle, d’océanographie et d’ethnographie maritime. Le Musée de la mer va se révéler un outil de premier ordre dans l’équipement touristique de la cité et de la côte basque, attirant plus de 100 000 visiteurs/an dès 1949. L’idée d’un centre de recherche scientifique, née en 1883 avec le marquis de Folin, pionner des recherches sous-marines, se concrétise après la Seconde Guerre mondiale avec la création d’un bâtiment de laboratoires. Le Musée de la mer s’affirme ainsi comme un espace de découverte et de recherche, alliant patrimoine culturel et scientifique.
La Bourse du Travail de Calais

Sur la place Crèvecoeur à Calais, se dresse la Bourse du Travail, édifiée en béton armé par l’architecte Roger Poyé entre 1937 et 1939. Elle est nichée au sein du quartier Saint-Pierre, sur l’emplacement de l’ancien lavoir, entre le Palais de justice et l’église. Cette œuvre emblématique, conçue pour accueillir des syndicats et un marché couvert, est un témoignage des grands travaux des années 1930. Sur ses façades, une vaste fresque murale, de 6,5 m de haut et 26,50 m de long, a été réalisée par un peintre parisien d’origine lyonnaise Ferdinand Fargeot et 30 artisans. Elle représente les allégories de la Paix et du Travail et est composée de 1 100 petits cubes de grès coloré dans la masse. Une technique novatrice pour remplacer les pâtes de verre. Bien que réquisitionnée par les Allemands durant la guerre, elle a été restaurée en 1944 et a retrouvé son éclat au fil des ans. Avec des rénovations notables en 1994 et 1998. Elle est inscrite au titre des Monuments historiques depuis 2000.
La piscine Molitor de Paris

L’architecte Lucien Pollet a conçu quatre piscines à Paris, dont la célèbre piscine Molitor, dans l’Ouest parisien. Elle a été inaugurée en 1929 par Johnny Weissmuller, champion olympique de natation, qui incarnera le rôle de Tarzan trois ans plus tard. Avec un bassin couvert de 33 m et un bassin extérieur de 50 m qui se transforme en patinoire l’hiver jusqu’aux années 1970, cette piscine allie fonctionnalité et esthétique Art déco. Inspirée des paquebots, avec ses cabines élégantes et ses vitraux signés Louis Barillet, ayant pour thème les baigneuses, les plongeurs et les patineurs sont réalisés. Très vite, la piscine devient un lieu de rencontre prisé, accueillant défilés de mode et événements culturels, comme l’apparition du premier bikini après 1945. La façade est un mélange harmonieux de courbes et de lignes droites, créant un contraste visuel saisissant. La piscine ferme ses portes en 1989. L’établissement est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1990. Et en 2000, le ministère de la Culture stoppe définitivement les projets immobiliers et préconise un plan de réhabilitation. La piscine Molitor compte désormais un hôtel de 124 chambres, un restaurant, un bar, un toit-terrasse et un spa (Spa by Clarins).
Le Grand Rex à Paris

Lorsque le Grand Rex naît dans les Années folles, le cinéma est en pleine expansion. Inventé en 1895 par les Frères Lumière, devenu parlant en 1926, il fait émerger nombre de salles, notamment dans le quartier des Grands Boulevards où sont installés les théâtres et les music halls. Inauguré en 1932, le Rex Théâtre, qui deviendra par la suite le Grand Rex, a été conçu pour le riche producteur et distributeur du monde du cinéma Jacques Haïk par l’architecte Auguste Bluysen et l’ingénieur John Eberson. Ornée de bas-reliefs et de détails géométriques, la façade du cinéma reflète le style élégant et audacieux de l’époque. Le Rex incarne l’ambition de créer un “temple du cinéma”, attirant un public avide de divertissement et d’exotisme. Sa décoration intérieure, signée Maurice Dufrène, évoque une ambiance de plein air, contrastant avec la grisaille parisienne. Malgré les défis, dont la réquisition pendant la Seconde Guerre mondiale, il a su préserver son caractère unique et a été inscrit aux Monuments historiques en 1981. Récemment rénové pour célébrer ses 90 ans, le Grand Rex continue d’éblouir par son architecture Art déco, témoignant d’une époque faste pour le 7e art.
Le Palais de Tokyo à Paris

Le palais de Tokyo a été construit à l’emplacement de la célèbre Manufacture de la Savonnerie, réorganisée par Colbert. Réalisé pour l’Exposition internationale de 1937, c’est un chef-d’œuvre de l’Art déco. Il abrite deux musées : le Musée d’art moderne de la Ville de Paris à l’Est et le Musée national d’art moderne à l’Ouest. Les architectes Jean-Claude Dondel, André Aubert, Paul Viard et Marcel Dastugue ont conçu un bâtiment symétrique aux façades en dalles de pierre, riche en motifs décoratifs inspirés de la mythologie, notamment des bas-reliefs d’Alfred Janniot. La thématique mythologique s’accorde avec la fonction du bâtiment : elle est centrée sur Apollon, dieu des arts, entouré de centaures et de nymphes. Le sculpteur Alfred Janniot réalise une allégorie à la gloire des Arts sur le soubassement de la terrasse et sur la façade méridionale. L’esthétique du palais est fondée sur le classicisme français : symétrie, colonnades, motifs décoratifs et monumentalité de la composition. En revanche, sa structure en béton recouvert de dalles de calcaire est moderne. Le palais s’est transformé en Centre d’art contemporain en 2002, tout en préservant son caractère exceptionnel.
Le Théâtre des Champs-Elysées à Paris

Inauguré en 1913, le Théâtre des Champs-Elysées, conçu par l’architecte Auguste Perret, est un exemple emblématique de l’Art déco. A sa construction, ce mouvement artistique n’en est qu’à ses prémices. Le théâtre se distingue comme étant le premier théâtre parisien entièrement construit en béton armé, permettant une visibilité optimale. Bien que critiqué à son époque pour son style jugé trop moderne, le bâtiment intègre des éléments décoratifs typiques de l’Art déco. Tels que les fresques de Maurice Denis, les bas-reliefs d’Antoine Bourdelle et les luminaires de René Lalique. Il abrite trois salles de spectacle et un restaurant au sommet, aligné sur les immeubles voisins de trois niveaux. Le Théâtre des Champs-Elysées est devenu un symbole de modernité et un pilier de la culture parisienne. Accueillant des œuvres marquantes comme “Le Sacre du Printemps” de Stravinsky et Nijinski. Une œuvre qui choqua tout autant par sa musique que par sa chorégraphie. Il reste un témoignage vivant de l’innovation architecturale et artistique de son époque.
La piscine de Pontoise à Paris

Autre piscine signée Lucien Pollet : celle de Pontoise, inaugurée en 1934. Un exemple emblématique de l’architecture Art déco, situé au 19 rue Pontoise dans le Ve arrondissement de Paris. L’architecte a su intégrer les éléments caractéristiques de l’Art déco, avec une façade alliant des lignes géométriques épurées, des formes stylisées et des détails ornementaux subtils. A l’intérieur, le hall d’entrée est orné de mosaïques géométriques et d’une grande verrière qui inonde le bassin principal de lumière naturelle. Long de 33 m, le bassin est entouré de cabines de change colorées, ajoutant au charme du lieu. Construit en béton armé et recouvert de briques, le bâtiment incarne le mariage réussi entre esthétique, fonctionnalité et innovation architecturale. La piscine de Pontoise est non seulement un lieu de baignade, mais aussi un véritable trésor architectural, célébrant l’art et la beauté de son époque. Elle est toujours ouverte tous les jours au public.
Lire aussi des ouvrages de la même période :