Valorisation : Le who’s who du granulat recyclé

Arnaud Le Brun
26/09/1970
Modifié le 02/10/2025 à 18:01

Le béton évolue avec l’intégration de granulats recyclés issus de la déconstruction. Cette ressource réduit l’extraction naturelle et l’empreinte carbone. De nombreux industriels s’en emparent pour développer des bétons de structure plus durables.

La France produit chaque année environ 260 Mt de déchets du BTP. A l’heure actuelle, seule une fraction de ces déchets est recyclée. La part de granulats recyclés est estimée à 10 % du marché national des granulats. Certains industriels réalisent déjà des bétons de structure incorporant du granulat recyclé. Nombre d’entre eux en assurent la production. Tel est le cas de Cemex qui renforce son engagement en faveur de l’économie circulaire grâce à son offre Vertua. Lancée en juillet 2018, cette gamme regroupe des bétons à empreinte carbone réduite. Leur formulation intègre des granulats recyclés issus des sites de valorisation du groupe. « Nous disposons d’une cinquantaine de sites à travers la France, stipuleBenoît Lausdat, directeur recyclage et valorisation de Cemex France. Nous y réceptionnons 3 Mt/an de matériaux inertes. Parmi nos sites, 25 plates-formes transforment environ 500 000 t de déchets inertes en granulats recyclés. Et 10 % de cette production est réintégrée dans la formulation des bétons. Les 90 % restants servent à produire des granulats destinés aux travaux d’aménagement et de terrassement. Les déchets non recyclables sont valorisés au sein des carrières du groupe Cemex en tant que matériaux de réaménagement. »

Le dispositif repose aussi sur un maillage fluvial. Au total, 12 ports, dont celui de Gennevilliers (92) et des sites en Normandie, accueillent les matériaux inertes. Proches des chantiers, ces plates-formes récupèrent les bétons de démolition. Côté qualité, Cemex met en avant la conformité de ses granulats recyclés. « Ils répondent aux différentes normes en vigueur. Tout cela contribue à l’économie des ressources minérales et naturelles non renouvelables », conclut Benoit Lausdat.

Accompagner l’économie circulaire

Pour sa part, Eqiom a lancé, en 2022, sa marque Ressourceo pour gérer et valoriser les déblais de chantier. Pour y parvenir, l’industriel dispose de 12 sites, implantés dans le Nord-Est de la France. « Chaque année, nous y accueillons près de 1 Mt de déblais et de déchets de chantier, précise Ludovic Millet, responsable économie circulaire d’Eqiom Granulats. Une majorité de ces matériaux inertes sont des terres excavées. Ces dernières sont revalorisées dans des projets de réaménagement de carrières. Quant au béton issu de la démolition, il représente entre 10 et 20 % de ce flux. Transformé en granulats recyclés, il est réutilisé dans la construction de bâtiments et de routes. Au total, nous atteignons un taux de valorisation de 80 %. »

Les matériaux traités sont variés : terres, cailloux, béton, mélanges bitumineux sans goudron ni amiante, briques ou encore tuiles. Concassés et criblés, ils constituent un nouveau gisement de granulats recyclés destinés aux travaux publics, au génie civil et au bâtiment. « De nombreuses collectivités nous sollicitent pour accompagner le développement de l’économie circulaire sur leur territoire », souligne Ludovic Millet.

Intensifier l’usage de granulats recyclés

Du côté d’Heidelberg Materials, le développement durable est au cœur de ses activités. Ainsi, il dispose de plus de 70 sites utilisant des granulats recyclés issus de la déconstruction. En 2024, ses centrales ont produit 64 000 m3 de béton contenant une part de recyclé. Des produits qui intègrent d’ailleurs sa gamme evoBuild. D’ici 2030, Heidelberg Materials ambitionne que 50 % de ses bétons aient une empreinte carbone réduite et soient issus de l’économie circulaire…

Quant à Lafarge, il met l’accent sur la réduction de la consommation de ressources naturelles. L’industriel a lancé le 1er janvier 2021 Geocycle France, une entité consacrée à l’économie circulaire. Sa mission : donner une seconde vie aux déchets inertes et non inertes du BTP. A ce jour, l’industriel dispose de 150 sites de valorisation répartis sur le territoire, dont 70 plates-formes de recyclage. Ces dernières transforment bétons de démolition et autres déchets inertes en granulats recyclés. L’offre s’appelle d’ailleurs Aggneo, une marque présente sur le marché depuis 2013. « Nous récupérons aussi les chutes de béton des toupies et des unités de production, déclare Mohamed Bouanou, responsable de projets de circularité et d’économie circulaire chez Lafarge. En 2024, nous avons traité près de 7,5 Mt de déchets, dont 17 % de déchets du BTP ont été recyclés. »

Pour massifier l’utilisation de matériaux recyclés dans la composition de ses bétons, le groupe déploie la démarche EcoCycle Inside. Certifiée par le Cérib, cette offre assure que les produits de Lafarge contiennent entre 10 à 100 % de matériaux recyclés. « A date, 5 de nos centrales à béton ont déjà adopté cette démarche. Nous visons à l’étendre à plus d’une cinquantaine de nos sites de production l’année prochaine. De plus, nous avons l’ambition d’intégrer davantage de granulats recyclés dans nos bétons. Pour y parvenir, nous souhaitons produire 20 Mt de granulats recyclés d’ici 2030 dans le monde. En France, cette ambition vise à quadrupler le recyclage, contre 1,3 Mt en 2024, toutes lignes de produits confondues », conclut Mohamed Bouanou.

Le béton doit redevenir béton

Marque du groupe normand Poullard, Granudem qui produit des granulats recyclés s’étend dans la région Centre-Val de Loire. Son déploiement est d’ailleurs assuré par Granudem Développement qui bénéficie à Amilly, dans l’agglomération de Chartres, d’un site dédié. En effet, la société dispose d’une plate-forme pour recycler les bétons de démolition et les terres de terrassement. « La capacité de traitement du site va monter en puissance, déclare Stéphane Poullard, Pdg de la société éponyme. Pas moins de 90 000 t vont être traitées en 2025, contre 60 000 t en 2024. A l’avenir, l’objectif est d’avoisiner les 150 000 t/an. Notre taux de valorisation atteint déjà 96 % ! »

Pour produire des bétons intégrant ses granulats recyclés, l’industriel s’est associé au groupe Chavigny. Un partenariat qui a donné naissance, en 2021, à Granudem Béton, installé lui-aussi à Amilly. « En 2025, nous devrions formuler entre 20 000 et 25 000 m3 de béton. L’ambition à court terme est de grimper à 30 000 m3. Nos matériaux sont distribués dans la région, auprès de grands noms comme Heidelberg Materials ou Point.P. Mais aussi auprès des préfabricants, tels que Alkern ou Spurgin. » Quant à la qualité des matériaux, elle repose sur le label Granudem, conçu avec Agir, filiale du Cérib.  Une qualification visant à accélérer l’utilisation des granulats recyclés marqués CE2+ dans la construction. Elle permettra aussi de donner une reconnaissance aux futures plates-formes labellisées en faveur de l’économie circulaire. « Etendre le label Granudem au sein de l’Hexagone est essentiel. Des discussions sont en cours pour obtenir de nouveaux partenariats. Avec Agir, nous voulons faire entrer le recyclage au cœur de l’industrie du béton. Notre conviction est simple : le béton doit redevenir béton. »

Vinci porte la gamme Ogêo, héritée de l’innovation Sølar et lancée par les entreprises du réseau Granulat+ Paca. Ce catalogue de matériaux innovants et durables, fort de son succès régional, est désormais déployé à l’échelle nationale.

Ogêo comprend différents granulats recyclés adaptés aux travaux publics, au terrassement et aux aménagements. Afin de les produire, Vinci réceptionne sur ses sites les déblais de chantiers de terrassement et de déconstruction. Ces déchets sont ensuite triés, lavés et reformulés. Ainsi, les granulats Ogêo associent  ressources issues de carrières et ressources recyclées. Certifiés CE, ils offrent la même qualité qu’un granulat naturel, mais avec une empreinte carbone réduite. Tel est le cas du granulat Ogêo 30, qui diminue de 13 % les émissions de C02 par rapport à un granulat classique.

Répondre aux mêmes normes de qualité

En 2022, Colas a lancé son réseau de plates-formes d’accueil de déchets inertes ou non dangereux, baptisées Valormat et Ecotri. L’objectif est clair : passer de 200 plates-formes Valormat, à plus de 400 d’ici 2027. Ceci, afin d’assurer la valorisation et le recyclage des matériaux issus de l’aménagement et de la déconstruction. « Grâce à ses plates-formes, Nexstone a produit 8 Mt de granulats recyclés en 2024, annonce Stéphane Brocas, directeur stratégie matériaux de Colas. Créée par Colas au début de l’année 2025, la société regroupe ses activités de production, valorisation et recyclage de matériaux de construction. D’ailleurs, elle a pour ambition d’atteindre 10,5 Mt en 2027. » En 2024, le groupe a valorisé 11,22 Mt de matériaux sur ses plates-formes.

Recycler les matériaux de déconstruction dans le BTP pour bâtir de nouvelles routes : c’est aussi le pari d’Yprema. Basé à Chennevières-sur-Marne (94), l’industriel indépendant dispose de 10 sites d’exploitation répartis sur 3 régions : Bretagne, Grand Est et Ile-de-France. « Chaque année, 2 Mt de matériaux y sont acheminées pour y être valorisées, précise Pierre Prigent, directeur général d’Yprema. Sur nos plates-formes, nous offrons un service de réception des déconstructions pré-triées. Ceci, afin d’accueillir pour l’essentiel des bétons, couches de chaussées et terres pour les transformer en matériaux routiers. Ces produits intègrent ensuite différentes gammes : béton concassé, Eco Grave, Urbasol… et sont utilisés sur des chantiers du BTP. »

Certifié ISO 9001 depuis 1999 sur tous ses sites de production, Yprema mise sur la qualité de ses produits. « Notre laboratoire interne réalise des tests quotidiens sur les matériaux entrants et les produits finis. Et cela, qu’il s’agisse de la teneur en sulfates, en eau ou de la lixiviation. Nous consacrons 3 % de notre chiffre d’affaires à la R&D, afin de mieux comprendre les propriétés des matériaux. Fournir des produits recyclés répondant aux mêmes normes de qualité que ceux issus de matières premières est un enjeu majeur », conclut Pierre Prigent.

Arnaud Le Brun