Les street-artistes Lek et Sowat s’exposent à Rueil-Malmaison

Muriel Carbonnet
05/04/2022
Modifié le 07/11/2022 à 12:21

La Ville de Rueil-Malmaison a donné carte blanche au duo de street-artistes Lek et Sowat pour organiser leur première rétrospective “Duography”. Le groupe NGE a participé à l’aventure.

Lek et Sowat investissent l’atelier Grognard, à Rueil-Malmaison. [©Christophe Soresto]
Lek et Sowat investissent l’atelier Grognard, à Rueil-Malmaison. [©Christophe Soresto]

Jusqu’au 3 juillet prochain, l’Atelier Grognard de Rueil-Malmaison (92) accueille l’exposition “Duography”. Une rétrospective dédiée au Street–Art du duo de graffeurs Lek (né en 1971) et Sowat (né en 1978). Ces derniers sont disciples de l’Urbex, ou exploration urbaine, qui consiste à sillonner la ville à la recherche de ruines contemporaines. Tout l’art est de trouver et de créer dans des lieux vierges et abandonnés. Des ruines modernes…

Lek et Sowat, un duo depuis 2010

Lek et Sowat travaillent en binôme depuis 2010. Ils repoussent les limites du graffiti traditionnel vers des expérimentations in situ, qui réunissent vidéos, abstractions architecturales et installations éphémères. Créant ainsi une forme moderne de land art urbain. En collaboration avec la galerie photographique parisienne Polka, Lek et Sowat proposent dans l’exposition “Duography” un parcours immersif au cœur de leur travail. Ceci, à travers des photos, des esquisses et des croquis préparatoires, des films en stop motion. Mais aussi à travers des polaroids et des souvenirs ramenés du terrain, des fragments d’expositions et d’installations passées, des artefacts de murs, de toiles et de sculptures.

Le tout patiemment collecté au fil des années et mis en scène sur les 650 m2 de l’Atelier Grognard de Rueil-Malmaison, de façon colorée, ludique et rythmée. Dans “Duography”, le public est ainsi invité à déambuler depuis les méandres du Mausolée aux sous-sols du Palais de Tokyo. En passant par le ciel éternellement bleu de la villa Médicis, à Rome. Ou encore, le chantier souterrain du futur Grand Paris de la ligne 14 et le parvis du Centre Pompidou.

Toujours plus de lieux inédits

Lek et Sowat sont à l’origine du projet “Mausolée”, résidence artistique clandestine et sauvage réalisée dans un supermarché abandonné de 40 000 m2 à Aubervilliers (93). « Lek connaissait très bien ce lieu, où il allait jeune avec ses parents. On y a vécu presque un an en secret. Nous y avons mené en quelque sorte une résidence artistique », se souvient Sowat. Là, ils invitent pendant près d’un an plus de 40 artistes. De ce projet, tenu secret jusqu’en 2012, découlera un livre, un film et une exposition collective.

Répondant à l’invitation de Jean de Loisy, l’ancien président du Palais de Tokyo et l’actuel directeur des Beaux-Arts, Lek et Sowat investissent ensuite les sous-sols durant plus d’un an du Palais de Tokyo. Ceci, avec une cinquantaine d’artistes, initiant aux côtés du commissaire d’exposition Hugo Vitrani ce qui deviendra le “Lasco Project”. Fin 2013, à nouveau entourés d’une vingtaine d’artistes, dont Jacques Villeglé, ils réalisent le film “Tracés directs”.

Grâce à ce projet, leur œuvre a été la première à rentrer dans la collection permanente du Centre Pompidou provenant d’artistes issus du graffiti. Ils ont également participé à la Tour Paris 13 et au projet des Bains Douches. Lek et Sowat ont été de plus les premiers graffeurs à pouvoir faire l’expérience de la villa Médicis, à Rome de septembre 2015 à août 2016. « Notre projet romain s’articulait autour du tunnelier de la nouvelle ligne 3 du métro. De plus, le mot graffiti vient du latin et on en retrouve déjà à Pompéi. Donc, tout concordait avec notre univers. Pour des raisons politiques, cette rencontre n’a pas eu lieu, mais nous gardions cela dans un coin de notre tête », explique Sowat.

Lek & Sowat avec Dem189 et Seth – Mausolée, Paris 2011 [©Chrixcel]

Mausolée by Lek & Sowat. [©Yann Skyronka]

Underground doesn’t exist anymore par Lek & Sowat & Futura & Mode 2. [©Nicolas Gzeley

Le tunnelier : Une expérience grâce à NGE

De tous les projets que Lek et Sowat avaient à cœur de réaliser pendant leur année à la villa Médicis, le seul qu’ils n’aient pas pu mener à bien est la peinture d’un tunnelier. Ce n’est qu’en 2018, à la faveur de plusieurs rencontres avec le groupe NGE, et surtout avec Jérôme Jeanjean, directeur administratif et financier des grands projets, que le duo parvient à partir à l’assaut d’un monstre d’acier de 10 m de diamètre pour 100 m de long. « Je suis moi-même collectionneur d’art contemporain urbain. J’ai rencontré Lek et Sowat lors de vernissages par hasard et nous avons sympathisés. Nous nous sommes croisés plusieurs fois. Début 2018, le projet de peinture d’un tunnelier est venu dans la conversation. Et j’ai donc proposé à la direction de NGE un partenariat. J’en ai parlé à Orso Vesperini, notre directeur délégué à l’international et aux grands projets et Olivier Coly et Christophe Denat, alors directeurs des équipes de travaux souterrains », se souvient Jérôme Jeanjean.

Et tout ce petit monde a dit « oui » à ce projet qui tenait très à cœur au duo. L’idée était d’offrir une carte blanche aux deux artistes. Seule contrainte : répondre à la charte couleur de la RATP. Ainsi, a débuté l’aventure qui s’est réalisée en plusieurs étapes. « Cela faisait sens pour nous, on retourne à la matrice. Et ce, dans un univers XXL. Et nous aimons tellement le béton », insiste Sowat.

Direction l’Allemagne

Dans un premier temps, ce projet les a amenés en Allemagne, à Schwanau, dans les hangars du constructeur Herrenknecht où ils ont peint le bouclier et divers éléments du tunnelier S1174 acquis par le groupe NGE. Aidés pour la logistique de l’association Xpo F.M.R. et sa présidente, Olivia Martinetti. Complétée par un lettrage “Subway Art” dessiné par leurs soins, cette première réalisation était à la fois un clin d’œil au livre éponyme de Martha Cooper et Henry Chalfant. Dont la publication dans les années 1980 a favorisé la diffusion de cet art à travers le monde. Mais aussi un hommage aux architectes, ingénieurs et ouvriers qui construisent ces innovations techniques gargantuesques. « Ils ont peint pendant 4 j d’affilée. Quinze j après, tout était prêt pour la livraison sur le site de la ligne 14. Et ça plaisait déjà beaucoup », reprend Jérôme Jeanjean.

Koumba par Lek & Sowat en collaboration avec NGE & XPO F.M.R. – Puits de Morangis, Paris 2019. [©Nicolas Gzeley]

Subway Art Breakthrough par Lek & Sowat en collaboration avec NGE & XPO F.M.R., Paris 2020 [©NGE Stéphane Bouquet]

Direction la ligne 14 du métro parisien

L’aventure s’est poursuivie ensuite en France, sur le chantier du prolongement de la ligne 14, où le tunnelier a été baptisé du prénom de Koumba Larroque, la vice-championne du monde de lutte. Par la réalisation de deux fresques peintes par Lek et Sowat sur les tympans d’entrée et de sortie du tunnelier. A 30 m de profondeur, les deux peintures se sont détruites à mesure que la machine poursuit son chemin dans les entrailles du Grand Paris. « C’est aussi ça le Street-Art, ça peut être éphémère. »

Lek et Sowat investissent l’atelier Grognard, à Rueil-Malmaison. [©Paul Martinez]
Lek et Sowat investissent l’atelier Grognard, à Rueil-Malmaison. [©Paul Martinez]

Réalisée le 20 juillet 2020, l’ultime étape de ce projet pharaonique, appelé “Breakthrough”, a permis aux deux artistes d’assister en direct à la destruction et l’effondrement de leur travail. « Il y a eu une vraie alchimie, un véritable lien entre Lek, Sowat et NGE. Pour ma part, je pense que notre groupe a permis une réelle liberté d’exécution aux deux artistes. Une fois, la direction convaincue que c’était une bonne idée, elle a foncé », conclut Jérôme Jeanjean.

Muriel Carbonnet

Exposition présentée jusqu’au 3 juillet 2022
Atelier Grognard
6 avenue du Château de Malmaison
92500 Rueil-Malmaison
Tél : 01 47 14 11 63