“L’inconnu de la Grande Arche” : « Je suis architecte. Bonne soirée »

Lucas Simonnet
07/11/2025

“L’inconnu de la Grande Arche” sort cette semaine au cinéma. Ce film raconte la construction de la Grande Arche de la Défense du point de vue de son architecte.

« L’Inconnu de la Grande Arche » est sorti au cinéma le 5 novembre
Le film dépeint le parcours de la construction de la Grande Arche de la Défense. Une histoire qui traverse des écueils techniques, architecturaux et politiques. [© Julien Panié]

Jusqu’où peut-on aller pour voir son œuvre exister ? Ce mercredi 5 novembre sort le film “L’inconnu de la Grande Arche”. Le biopic revient sur le parcours d’un projet architectural, qui traverse un champ de mines politique. L’histoire est adaptée le livre de Laurence Cossé “La Grande Arche” publié en 2016. L’architecte derrière la Grande Arche de la Défense : Johann Otto Von Spreckelsen. Un inconnu total au moment de remporter le concours lancé par François Mitterrand.

Le film a été présenté au Festival de Cannes en 2025 dans la catégorie “Un certain regard“. C’est un drame qui dépeint une différence de point de vue entre les architectes et les constructeurs. Mais l’origine danoise de Von Spreckelsen va aussi se heurter à la mentalité française, faite de normes et de rigueur budgétaire. En France, toutes les méthodes de construction ne sont pas légales. Mais surtout, l’argent du contribuable ne doit pas entretenir les lubies d’un artiste commissionné par l’Etat. L’acteur danois Claes Bang joue parfaitement son rôle d’architecte déconnecté de la réalité politique. Pour améliorer ses tirades, il a même appris le français !

Le “Cube“ comme personnage principal

A l’origine, la Grande Arche devait accueillir le Carrefour international de la communication, qui se voulait un bien commun pour l’humanité. Surnommé le “Cube” par Von Spreckelsen, le bâtiment de 110 m de haut est situé sur “l’axe royal”, une artère rectiligne qui part des jardins des Tuileries, passe par la place de la Concorde, les Champs-Elysées et l’Arc de Triomphe. Avec ses 125 000 m3 de béton, le monument repose sur 12 piliers inscrits entre une gare ferroviaire, des parkings souterrains et des tunnels autoroutiers. L’objectif de François Mitterrand était de livrer le bâtiment pour le bicentenaire de la Révolution française. Les travaux ont débuté en 1985 et l’inauguration s’est tenue le 14 juillet 1989.

Un tableau des années 1980

Ce film librement inspiré de faits réels débute par un plan séquence de 4 mn qui fait comprendre la surprise de tout le monde quant au choix de l’architecte. Le rythme lent permet de mettre en valeur les bâtiments. Les angles de caméra démontrent une bonne connaissance du monde de l’architecture et encore plus des constructions en béton. Les décors décrivent avec brio tout ce qui faisait l’âme des années 1980. Costumes, véhicules et accessoires dépeignent une époque révolue où tout se passait différemment. Une époque où construire un énorme cube en marbre blanc, sans vérifier la porosité du matériau, ne posait problème à personne. Une époque où fumer cigarettes sur cigarettes dans un bureau de 10 m2 ne choquait personne.

Deux mondes qui s’affrontent

Le film se concentre sur l’architecte et sur sa vision du projet. Von Spreckelsen s’indigne de l’analyse d’un prestataire qui ne considère le béton que comme un outil technique. Deux visions se heurtent. L’une très pure de la quête de la perfection. L’autre très concrète qui cherche à réaliser le projet sans surcoûts, sans déclencher de scandale politique. L’arrivée soudaine de la cohabitation politique et des compromis nécessaires pour la bonne tenue du projet finissent de compliquer les rapports entre l’architecte danois et ses équipes françaises.

Un film captivant, mais quelques longueurs

D’un point de vue architectural, la période était à la géométrie. Paul Andreu, le bras droit de Johann Otto von Spreckelsen sur ce projet, a signé le terminal 1 circulaire de Roissy CDG. Leoh Ming Pei avait sa pyramide au Louvre. Von Spreckelsen voulait son “Cube” au cœur du centre d’affaires parisien de la Défense. Tous ces projets mêlent béton, verre et acier sans fioriture.

Si ce film est captivant, il traine quelques lourdeurs. Les parties qui traitent de questions politiques manquent de subtilité. Les politiciens (à l’exception de François Mitterrand) sont représentés en “méchants de films d’animation”. La naïveté de Von Spreckelsen nécessite une explication enfantine pour décrire des phénomènes politiques qui sont habituels au sein de l’Hexagone. Le film montre une grande proximité entre l’architecte et l’homme le plus important de l’Etat, ce qui fait légèrement oublier qu’il était censé être “l’Inconnu” de l’histoire. Mais ces bémols sont compensés par l’intrigue du film et la question qui traîne tout le long du film : comment réaliser un projet aussi important sans faire de compromis ?

Lucas Simonnet

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