Le cimentier 2170 fait évoluer la norme prEN 197-6

Frédéric Gluzicki
15/11/2022
Modifié le 16/11/2022 à 17:20

La start-up 2170 a réussi à faire modifier la future norme prEN 197-6, consacrée aux ciments à base de matériaux de construction recyclés !

Olivier Stocker est le président du groupe JPS Granulats, mais aussi de la start-up cimentière 2170. [©ACPresse]
Olivier Stocker est le président du groupe JPS Granulats, mais aussi de la start-up cimentière 2170. [©ACPresse]

Il y a, comme ça, de belles histoires, qui méritent d’être contées… Surtout si l’initiative vient d’un acteur local du ciment, indépendant qui plus est !

En octobre 2021, la norme européenne prEN 197-6 – Ciments à base de matériaux de construction recyclés – est en préparation. Elle prévoit, en particulier, un taux maximum cumulé de 20 % de calcaire et de béton recyclés. Bien trop peu pour Olivier Stocker, le dirigeant de la start-up cimentière 2170. De toutes les batailles, l’homme s’était déjà distingué dans le passé, en demandant, rien de moins, que de faire modifier le référentiel NF Liants hydrauliques (NF 002). En effet, ce dernier n’autorise pas les mêmes choses que le référentiel CE Ciments (CE 002). Pour faire simple, le référentiel français interdisait la production de ciments par mélange des poudres venant de l’extérieur.

Le Sfic et le Lem-VP mobilisés

« La manière la plus simple de réduire rapidement l’empreinte environnementale des ciments est de diminuer le plus possible leur teneur en clinker, rappelle Olivier Stocker. Ceci, en y intégrant divers constituants “bas carbone” dont le calcaire cru et les bétons recyclés micronisés. » Donc à un taux supérieur à 20 % ! Aussi, pour faire bouger les choses, Olivier s’est rapproché de Laurent Izoret, directeur délégué produits, applications et recherches, au Sfic1 (en charge de la normalisation ciments). Ainsi que de Damien Balland, directeur du Lem-VP2.

Très vite, les trois hommes ont acté une collaboration pour démontrer qu’il est possible de réaliser des ciments avec beaucoup plus de substitution. En particulier par l’utilisation du calcaire et du béton recyclés, seuls matériaux disponibles en grande quantité, tant en France que sur le territoire européen.

Pas moins de 23 compositions cimentaires

Sans plus attendre, Laurent Izoret a obtenu la validation de cette collaboration par le Sfic. Nous sommes fin décembre 2021. Mais il faut aller très vite pour pouvoir encore intégrer l’enquête publique européenne de cette norme, prévue, au printemps 2022

Boostée par Olivier Stocker, l’équipe recherche et développement de 2170 a réalisé un travail titanesque. Pas moins de 23 compositions cimentaires seront nécessaires pour élaborer le dossier technique, prêt en tout juste 3 mois. Et visant à démontrer qu’il est possible d’incorporer jusqu’à 50 % de calcaire et bétons recyclés dans le ciment pour produire dès aujourd’hui les ciments du futur. Des solutions très bas carbone… Toutes testées et validées, conjointement, par les membres du Sfic, le Lem-VP et la start-up 2170. « Nous n’avons sollicité aucun soutien, aucune subvention, car les demandes étaient bien trop longues à mettre en place », reprend Olivier Stocker. Et d’insister : « Une seule chose compte : réduire l’empreinte carbone du ciment grâce à cette petite, mais brève ouverture normative ! »

Un taux de substitution de 35 %

Unité de production de la start-up cimentière 2170. [©ACPresse]
Unité de production de la start-up cimentière 2170. [©ACPresse]

Après bien des rebondissements – 5 commissions françaises du ciment et 2 européennes -, un nouveau rapport du Cérib3 a permis d’entériner cette démarche. In fine, grâce aussi à un appui très fort de Réseau Action Climat, d’Ecocem et de Fortera, ce dossier technique a rendu possible la validation à 35 % de taux de substitution au lieu de 20 % initiaux. Bien entendu, tous ceux qui ont poussé cette démarche auraient préféré obtenir directement les 50 % pour les nouveaux ciments de la norme prEN197-6. Mais, il fait le souligner, c’est la première fois qu’un cimentier par mélange, non fabricant de clinker, indépendant, intervient dans l’univers normatif européen… Le signe que le paradigme doit changer. La recomposition cimentaire est en marche. « Il appartient maintenant à nos pouvoirs publics de s’en rendre compte et de donner les moyens à ce nouveau modèle de se développer pour répondre vite avec efficacité à l’urgence climatique », insiste Olivier Stocker. Et de conclure : « A propos, que représente 15 % de moins de clinker dans le ciment ? Rien qu’en France, ce sont 1,5 Mt d’émissions de CO2 en moins, soit équivalent à 0,5 Mm3 de gasoil ! »

1Syndicat français de l’industrie cimentière.
2Laboratoire d’études des matériaux de la Ville de Paris.
3Centre d’études et de recherches de l’industrie du béton.