Victor Remère : Une bétonnière comme four à pain

Muriel Carbonnet
03/02/2023
Modifié le 07/02/2023 à 11:01

Au sein de la ferme urbaine “Zone Sensible” de Saint-Denis, prend place une bétonnière. Au premier regard, on est interpellé. Que vient faire cet équipement de chantier au beau milieu des légumes ?

Article paru dans Béton[s] le Magazine n° 104

[©Victor Remère]
Au sein de cet espace de création artistique à ciel ouvert, prend place une bétonnière. [©Victor Remère]

A la ferme urbaine “Zone Sensible” de Saint-Denis (93), l’art contemporain pousse entre les salades, les courgettes, les tomates…. Le “fruit de l’imagination” du Parti poétique, qui a repris au printemps 2018, avec les Fermes de Gally, l’exploitation des dernières terres maraîchères du département. Depuis sa création en 2003, le Parti poétique, fondé par Olivier Darné, plasticien et apiculteur urbain, développe en France et à l’étranger, des projets artistiques pluridisciplinaires grandeur nature. Ces derniers véhiculent les thèmes de la nature, de la culture et de la nourriture. Cultiver devient un art !

Au milieu des légumes

Ainsi, au sein de cet espace de création artistique à ciel ouvert, prend place une bétonnière. Au premier regard, on est interpellé. Que vient faire cet équipement de chantier au beau milieu des légumes ? Qui plus est, lorsqu’on se rapproche, on lit sur le cartel “La Machine à pain”. Là, c’est trop, on veut comprendre ! « “La Machine à pain” est un pied-de-nez aux chantiers qui peuplent la Seine-Saint-Denis. Une bétonnière est ici détournée pour assumer un autre rôle important : abriter la cuisson des aliments. Comme une projection de l’extérieur vers l’intérieur, je me suis inspiré du jardin des cultures du monde de “Zone Sensible” pour créer un objet qui connecte toutes les cultures du département : un four à pain », nous explique l’artiste Victor Remère, né en 1989, et créateur de l’objet.

Universalité du pain

Un poème sur le pain de Francis Ponge fait office de porte d’entrée, comme une mise en garde ou une invitation. Dans ce texte, le poète met en avant l’universalité du pain, « comme si l’on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes ».  Il nous renvoie aussi à sa matérialité, à son ancrage naturel. Le pain est l’un des éléments le plus simple de la cuisine : des céréales, de l’eau et des levures suffisent à sa fabrication. C’est une micro-société naturelle, une ode à la sobriété.

« Sensible à la richesse des paysages, je poursuis aujourd’hui mes recherches, mes travaux et mes explorations, en observant l’impact de l’activité humaine sur la faune et la flore », reprend Victor Remère. Et de conclure : « En réponse à “L’Horloge à légumes” installée sur le site de “Zone Sensible”, en 2020, “La Machine à pain” n’est pas autonome et son temps n’est pas linéaire. Là où l’agriculteur vient réveiller l’horloge le temps d’une saison, c’est le cuisinier qui réveille le four le temps d’un repas. Le pain devient vivant grâce à l’action combinée de l’homme, des arbres et du feu ». Un pied-de-nez amusant…

M.C.

Article paru dans Béton[s] le Magazine n° 104

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