Hausse des matières premières : une crise à facteurs multiples

Rédaction
13/04/2021
Modifié le 01/10/2021 à 16:56

Le secteur des matériaux de construction est touché par une hausse des coûts de matières premières, voire de pénurie… En cause ? Une accumulation de facteurs.

La hausse des coûts de matières premières impacte directement la production des matériaux de construction. [©ACPresse]
La hausse des coûts de matières premières impacte directement la production des matériaux de construction. [©ACPresse]

Depuis plusieurs mois, le secteur des matériaux de construction est touché par une hausse des coûts de matières premières, voire de pénurie… Les différents syndicats et regroupements de professionnels alertent sur ces phénomènes qui impactent toute la chaîne de valeur. En cause ? Un amoncellement de facteurs. Pour Frédéric Boisse, secrétaire général du SNMI1 et du Mur Manteau : « Il y a eu plusieurs points de chauffe. Au Texas, l’hiver a été très rude et les productions de pétrole en ont subi les conséquences. Le pétrole est devenu plus rare et cela a généré une augmentation des prix du baril et donc des matières chimiques. » De son côté, le Syndicat national des industries de peinture, enduit et vernis (Sipev) fait le même constat.

« Nous traînons plusieurs “boulets” et des difficultés d’approvisionnement, détaille Pascal Hoareau, président du Sipev. C’est une accumulation d’évènements qui a engendré l’augmentation des prix et la raréfaction des produits. Par exemple, une importante industrie a brûlé en Allemagne. Le Brexit impacte le transit du titane. Et certaines résines passent par le Texas qui a vécu une vague de froid. De nombreux matériaux sont concernés. Nous n’avons jamais connu ça auparavant. Toutes les entreprises sont touchées, que ce soit des PME ou des grands groupes. Pour la première fois, nous sommes obligés de refuser des commandes. Nous n’arrivons plus à fournir. Alors que nous sentons une reprise avec une augmentation de la demande dans le bâtiment. Mais nous ne fabriquons pas suffisamment en Europe. Car il n’y a pas que la France qui est concernée. »

Une multitude de facteurs ont impacté le marché des matières premières

Et Amaury Omnès, président de Afipeb2, de poursuivre : « Nous sommes dans un environnement mouvant. Cette hausse des prix est un record historique absolu et le styrène est très concerné ». Selon l’Association, le prix des billes de styrène aurait ainsi augmenté de 100 % depuis le premier déconfinement, c’est-à-dire, il y a moins d’un an. « De plus, les coûts des flux intercontinentaux ont explosé. C’est un phénomène unique. »

La question de l’indépendance et de la réindustrialisation en France est essentielle. [©ACPresse]
La question de l’indépendance et de la réindustrialisation en France est essentielle. [©ACPresse]

En effet, la crise sanitaire a engendré une déstructuration des marchés. D’autant plus que l’Asie a repris de plus belle depuis plusieurs mois. La Chine a mis un coup d’accélérateur dans son développement. « Le pays est en pleine expansion et investit dans ses structures et infrastructures, observe Frédéric Boisse (SNMI). Il absorbe naturellement les matières premières. La France ne détient pas des tonnes de matières de base et transformés ou des métaux rares… » Et Amaury Omnès (Afipeb) de compléter, « La Chine a repris très fortement et compte entre six mois et un an d’avance… »

Tous les matériaux impactés

Avec cette crise majeure pour les acteurs du BTP, la question de l’indépendance et de la réindustrialisation française est essentielle. « Il y a une réflexion à avoir sur la production européenne, reprend Amaury Omnès. Nous avons besoin de l’industrie en France. Nous avons pu le remarquer pendant cette pandémie. » Pascal Hoareau (Sipev) appuie cette réflexion. « Il faut se réveiller au niveau de l’Europe et reprendre notre indépendance. Il y a encore des freins à la relocalisation. Nous désintéressons les investisseurs avec trop de contraintes et un peu trop de rigueur. En France, le Plan de relance ne met pas suffisamment les moyens pour attirer les industries dans nos régions. Au Sipev, nous sommes engagés dans la chimie du végétal et le biosourcé. Ce sont des sources stratégiques d’autonomie. »

Aujourd’hui, il est difficile de savoir quand la course folle des prix va s’arrêter. Selon le Synad : « La situation est complexe et mondiale, ce qui rend difficile de savoir jusqu’où iront les pénuries de matières premières et leurs conséquences. Ne disposant pas de visibilité à court terme, nos adhérents restent mobilisés. » Et Frédéric Boisse, de conclure : « Il faut travailler avec bon sens et solidarité, et éviter de tomber dans la spirale de la surconsommation, comme on a pu l’observé avec l’achat massif de papier toilettes lors du premier confinement… »

1Syndicat national des mortiers industriels.
2Association française de l’isolation en polystyrène expansé dans le bâtiment.