Pier Luigi Nervi : Le poète de la structure

Mariola Gluzicki
17/11/2010
Modifié le 09/06/2022 à 17:32

Ingénieur, architecte et constructeur, Pier Luigi Nervi est l'un des plus grands bâtisseurs du XXe siècle. Ses inventions lui ont permis de résoudre de manière esthétique des problèmes architectoniques jusqu’alors insolubles

Pier Luigi Nervi, sous le viaduc du Corso Francia, en 1960. [©Oscar Savio]

Pier Luigi Nervi naît le 21 juin 1891, à Sondrio, en Lombardie (Italie), dans une famille de la moyenne bourgeoisie. A 19 ans, sa passion pour l’aviation l’oriente vers des études d’ingénieur à l’Ecole royale appliquée pour les ingénieurs et architectes de Bologne où il peut profiter des deux cursus. Diplômé en 1913, avec une moyenne de 99 sur 100, il rejoint le bureau de son professeur Attilio Muggia qui a acquis, dès 1895, le brevet du système Hennebicque. En 1923, il rompt avec son mentor, fonde l’entreprise Nervi et Nebbiossi à Rome. Un an plus tard, il épouse Irene Calosi avec qui il aura quatre fils.

Les années d’association avec Nebbiossi sont fructueuses : réalisations de cinémas, garages, structures industrielles. Le bâtiment phare de cette période, le cinéma-théâtre Augusteo, à Naples, incarne déjà l’ambition de Nervi de créer des structures en béton d’une incroyable légèreté. Après la création du Comité national olympique en 1927, Nervi décroche le marché du stade Artemio Franchi de Florence (1929-1932). Il dessine le plan en D géant et utilise une structure en béton apparent. Cette réalisation révèle Nervi à la critique italienne et étrangère et le consacre dans son rôle d’architecte.

Préfabrication et ferro-ciment.

Palais du Travail de Turin. [©Mario Carrieri, financé par Italcementi]

Pour bénéficier d’une réelle liberté de création, Nervi s’associe en 1932 avec son cousin et crée la société Nervi et Bartoli. Jusqu’en 1942, ils profitent du programme de modernisation des infrastructures lancé par le régime fasciste. Parmi les réalisations marquantes : les hangars de l’aviation militaire italienne à Orvieto (1935-1943, détruits). Cet édifice long de 100 m sur 40 m de large ne reposait que sur six points d’appuis. Il y exploite des éléments structurels préfabriqués en béton armé formant un treillis léger et résistant pour couvrir de très grandes portées.

La parfaite corrélation entre choix structurels et procédés constructifs engendre l’identité de l’architecture de Nervi. Pour réaliser des surfaces ondulées et nervurées, il devait surmonter deux obstacles majeurs : la faible résistance à la traction de grandes structures en béton armé et le coût élevé des cintrages et des coffrages. Il résout ces problèmes grâce à deux composants : la préfabrication et le béton armé. La préfabrication consiste à réaliser des petits éléments de structure et de les unir par soudure, ce qui rétablit la continuité structurelle de l’ouvrage. Côté béton armé, Nervi le reformule et crée le ferro-ciment, mélange de ciment et de sable projeté sur un treillis métallique très dense qui s’adapte à la réalisation de formes complexes. Cette solution incarne “la résistance par la forme” dont Nervi préconise la généralisation. Et qui rend possible la complexité et la beauté de bâtiments.

Le symbole du renouveau italien.

Palazzetto dello Sport, réalisé à Rome dans le cadre des JO de 1960. [©DR]

Nervi porte à profit les années de la Seconde guerre mondiale pour peaufiner cette technique. Après la guerre, le Palais des Expositions de Turin (1948), avec sa voûte géante surplombant une nef centrale de 71 m de largeur, consacre la notoriété internationale de l’architecte.

Dans les années cinquante, deux projets emblématiques voient le jour. Le siège de l’Unesco (1952-1958), à Paris, réalisé en association avec Marcel Breuer et Bernard Zehrfuss et, pour les JO de 1960, à Rome, en collaboration avec Annibale Vitellozzi, le Palazzetto dello Sport. D’une capacité de 4 000 places assises, entouré de poteaux en Y et couvert par un dôme de béton nervuré, ce bâtiment est devenu l’emblème de l’architecture sportive du XXe siècle.

Nervi est de tous les projets d’envergure. En 1959, il construit à Milan le gratte-ciel Pirelli qui devient le symbole du renouveau économique de l’Italie. En 1969, on lui confie la conception de la salle d’audience Paul VI, ouvrage qu’il considère comme l’aboutissement de sa carrière.

Pier Luigi Nervi s’éteint le 9 janvier 1979, à Rome.

Mariola Grabowska

Source : Pier Luigi Nervi, l’architecture comme défi, sous la direction de Carlo Olmo et Christiana Chiorino, Sivana Editoriale, 2010, publié à l’occasion de l’exposition homonyme à la CIVA à Bruxelles.