Pratiques anticoncurrentielles sur le marché de l’isolation : rififi chez les isolants

Rédaction
09/09/2014
Modifié le 15/11/2018 à 16:54

Suite à la parution dans Les Echos, le 5 septembre dernier, d’un article intitulé "Isolation : Saint-Gobain accusé d'entente et de pratiques anticoncurrentielles", Actis s'est félicité.

ACTISfilmSEPT2009-  31359Suite à la parution dans “Les Echos”de vendredi 5 septembre d’un article intitulé  “Isolation : Saint-Gobain accusé d’entente et de pratiques anticoncurrentielles”, Actis s’est félicité, via un communiqué, que la notification de griefs adressée par l’Autorité de la concurrence confirme aujourd’hui les soupçons d’entente qui pesaient depuis plusieurs années sur certains acteurs du marché de l’isolation, dont le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment), Saint-Gobain Isover et le FILMM (Fédération des fabricants de laines minérales manufacturées).

Pour Actis, « se liant ainsi, ils ont non seulement tout mis en oeuvre pour dévaluer et décrier les performances des isolants minces réflecteurs, mais aussi pour dissimuler le fait que les performances réelles des laines minérales sont bien inférieures à celles déclarées, conservant ainsi le bénéfice des aides financières, dont les isolants minces sont privés ».

Ce à quoi, Laurent Thierry, directeur général d’Actis a ajouté : « On ne peut que regretter cette situation qui dure depuis trop longtemps. Alors que la France souhaite aider les PME et les PMI à améliorer leur compétitivité face à un marché mondialisé, il est regrettable que de grandes entreprises françaises puissent agir pour freiner les PME innovantes. Nous sommes loin du modèle allemand où les grands groupes accompagnent les petites entreprises ». L’affaire n’en est qu’à ses premiers remous.

[Mise à jour le 23/09/14] Suite à la réaction d’Actis, Eric Valois et Bertrand Laferrere, Pdg de Valtech industrie et XL Mat, nous ont adressé une copie du courrier qu’ils ont envoyé à Ségolène Royal et Sylvia Pinel, ministres de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, et du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité.

“Nos deux sociétés, XL Mat basée en Rhône-Alpes et Valtech industrie en Paca, vous écrivent d’un commun accord, afin de vous sensibiliser sur le cas des isolants minces réflecteurs. Par défaut de méthode de mesure adaptée, leurs performances thermiques ne sont pas prises en compte par les bureaux d’études en construction neuve, ni dans le cadre des aides pour la rénovation énergétique des bâtiments anciens, alors même que plusieurs millions de m² sont posés depuis plus de 20 ans, principalement en toiture. Cette situation ubuesque dure depuis des années est enfin médiatisée suite aux travaux d’investigation de l’Autorité de la concurrence, qui vient de notifier le groupe Saint-Gobain Isover, le CSTB (Epic délivrant des agréments) et le FILMM (syndicat des isolants minéraux), accusés d’entente et de pratiques anticoncurrentielles à nos dépends. Le sujet de fond est l’écart entre les mesures de résistance thermique R faites en laboratoire (R basée sur l’épaisseur de l’isolant) et la réalité des performances thermiques des isolants, une fois mis en œuvre et soumis aux conditions réelles d’utilisation. Déjà, la Grande-Bretagne et l’Italie appliquent des coefficients dégradants jusqu’à 35 % les données de laboratoire. Les mesures réelles d’efficacité des isolants sont scientifiquement plus pertinentes et ne constitueraient pas un frein à l’innovation, contrairement aux mesures en laboratoires qui ne reflètent pas la réalité. Les mesures in situ sont pratiques courantes pour l’acoustique, le feu, l’aéronautique. Seule une évolution des normes vers des mesures in situ permettraient de sortir du point de blocage actuel. Or, le CSTB côté français refuse d‘en entendre parler et la Commission Européenne de Normalisation (CEN), via ses groupes de travail, subit des pressions des lobbies internationaux freinant depuis 2005 toute évolution normative. Aujourd’hui, alors même que la priorité est donnée aux économies d’énergie et aux travaux de rénovation, notre cœur de métier, nous subissons de plein fouet les contraintes des réglementations thermiques et des dispositifs d’aides, tous basés uniquement sur la résistance thermique (R) des matériaux isolants. Cette entrave est de plus en plus prégnante et constitue un véritable coup d’arrêt à notre activité, au grand désarroi de nos clients, professionnels du bâtiment, convaincus par des années de pratique des performances thermiques réelles de nos isolants.”

[Mise à jour le 08/10/14] Bien évidemment, le FILMM ne pouvait pas rester sans rien dire face à ces accusations. Le syndicat a voulu éclaircir trois points dans un communiqué :

– « Tous les produits isolants, y compris les produits réfléchissants, sont éligibles au crédit d’impôt et à l’ensemble des aides fiscales, lorsque leur performance correspond aux exigences fixées, l’ensemble des produits concernés par le crédit d’impôt ou autres aides fiscales doivent justifier de performances minimales pour être éligibles. La famille des isolants quelle que soit leur nature (plastiques alvéolaires, fibres de bois, fibres végétales laines minérales,…) y compris les produits réfléchissants, minces ou non, disposent de normes ou référentiels qui permettent de déclarer leur performance en prenant en compte l’ensemble des phénomènes thermiques (conduction, convection et rayonnement) »

– « Il n’est un secret pour personne que les économies d’énergie dans le bâtiment ne sont pas proportionnelles à l’épaisseur de l’isolation mise en place. Toutefois, les augmentations de résistance thermique des isolants restent, à ce jour, une des manières les moins chères et les plus pérennes de faire des économies d’énergie, notamment pour répondre aux enjeux de la rénovation thermique »

– « Les laines minérales sont le choix privilégié des professionnels du bâtiment et des particuliers pour relever le défi de la rénovation énergétique en France et en Europe. Elles ont apporté la preuve de leur efficacité dans le temps, ont accompagné et devancé l’exigence des besoins d’efficacité énergétique des bâtiments et remplissent ces besoins également quand de fortes résistances thermiques sont exigées »

[Mise à Jour le 10/10/14] La réponse du FILMM a engendré… Une nouvelle réponse du SFIRMM : « Bien qu’il soit actuellement visé par une notification de griefs de l’Autorité de la concurrence pour entente avec la société Isover et le CSTB, le FILMM se permet de faire référence à une norme d’essai créée uniquement à l’initiative des fabricants de laine minérale pour les isolants minces. Cette norme est basée sur des tests conventionnels en laboratoire alors que les fabricants d’isolants minces avaient demandé la création d’une norme d’essai spécifique basée sur des tests réalisés en conditions réelles d’utilisation. A ce titre, il est légitime de s’interroger sur les raisons pour lesquelles le FILMM omet de mentionner l’existence de ce projet de norme d’essai in situ, valable pour tous les isolants, mais qui est depuis plusieurs mois bloqué au CEN, notamment par le fait des fabricants de laine minérale. La réponse est très simple. Les isolants en laine minérale, une fois mis en œuvre, n’atteignent jamais les performances déclarées dans le cadre des tests en laboratoire »

La suite au prochain épisode.